Déçu. Le film est exceptionnel sur bien des points, parfait dans la forme et dans le rythme, au service d'un récit clair et limpide. S'il éclate par son regard toujours très beau, très ambigu aussi, sur son personnage, le film est à mon goût asphyxiant de maîtrise formelle. Tout y est parfait, millimétré, scindé correctement entre la montée et la déchéance de son "héros". Mais je trouve tout cela, cette mise en scène opératique, ce propos, finalement assez vain et assez clinquant, peut-être même gratuit. C'est marrant d'avoir vu Spring Breakers en premier et il n'y a pas longtemps car ce sont les mêmes films, à deux époques différentes. Ce sont les mêmes analyses glaciales de leur époque respectives, où la caméra est un scanner qui capte son désespoir et sa beauté. Et j'ai donc les mêmes réserves : formellement abouti, Scarface sur la fin, tourne un peu à vide. Au bout de deux heures, j'ai compris, je sais que quand la violence viendra il y aura une musique et une caméra qui s'élève, majestueuse. Répulsion/Fascination, c'es le regard précis de De Palma et ça ne change pas. Je sais où le film m'emmène, je sais à quel point il est beau, à quel point il est parfait, à quel point c'est un sommet de virtuosité. Mais il fait aussi un peu sa propre publicité. C'est un grand film et il le sait, et qui se préoccupe plus à faire en sorte qu'on se le dise plutôt qu'à faire en sorte qu'on regarde l'écran et qu'on se désole de ce qui s'y trame avec lui.
Mais la fin est superbe. Tony Montana est derrière son balcon doré. Les balles fusent et ce petit balcon s'écroule, l'or s'écroule. Il est touché, il bascule, détruit cette barrière d'argent. Dans la piscine, le sang de la couleur des murs coule et se propage. Parce que ces murs si hauts et si coûteux n'ont qu'une seule couleur : celle du sang des cadavres frais que le voyou du début et l'empereur sanglant de la fin aura versé toute sa vie.