Et Howard Hawks inventa le film de gangster.

Ce film fait partie de mon "rattrapage culturel" version "je suis curieux de voir ce film."

Scénario :
C'est Tony. Pas n'importe quel Tony, LE Tony. Il tue le gros Tom après avoir été éjecté de Sicile par Fidel Castro. Alors, il devient l'homme de main de Raimu et décide à sa place de péter la gueule des irlandais qui font du Pastis de contrebande. Il devient de plus en plus fou, fait assassiner plein de monde, tente de plonger dans la coke mais comme on est en 1932, il peut pas et va donc à l'opéra. Et à la fin il se fait arrêter pour fraude fiscale.

J'ai tout bon ?

En tant que sujet d'étude :

"Scarface" est un bon sujet pour analyser la version "remake" que Brian De Palma en a fait dans les années 80. (C'est marrant vu que le dernier film que j'ai vu s'était aussi fait remaké sa tronche par le même De Palma deux ans plus tôt.) Il faut savoir que lorsqu'Olivier Stone écrit le scénario du Scarface de 1983 le film d'origine sort à peine de la zone de bannissement d'où il avait été plongé par le code Hays depuis les années 30, tant il était à peine trouvable et auréolé de scandale.

C'était donc assez surprenant de voir qu'au fond, bien des éléments du film d'origine avaient été repris : l'amourette avec la femme du chef (qui dans la version 83 perd son côté "partagé" et ressemble bien plus à la prise de guerre d'un chef de clan venant d'en éliminer un autre) l'histoire avec la soeur, les étapes parcourues, la même la fin et le même leitmotiv "The World is Yours" auquel le personnage ne parvient pas. Et si le film nous semble "moins violent" c'est qu'on est maintenant habitués à des films où les coups de poing font des bruits de irréels et où la moindre violence à l'écran doit être relativement gore. ¨Pourtant, si notre tolérance a baissé, le film n'en est pas moins violent et il crée en partie les codes du film de gangster, notamment la séquence du long tunnel de meurtres que l'on retrouvera dans les films du genre y compris dans Le Parrain.

En tout cas, visuellement le film claque pour son époque : travelings, coups de feu "pour de vrais" dans les murs, courses poursuites, etc.. et il arrive même à coincer de l'ironie (le calendrier qui s'effeuille au rythme de la mitraillette.) Mis à part le panneau de début, qui dégouline un peu de morale et sent un peu le faux-cul, je n'ai pas été dérangé par les scènes rajoutés, comme celle où des gens commentent l'ascension de Camonte et estiment que l'état devrait "faire quelque chose contre la prolifération d'armes dans notre pays." C'est écrit en 1932 et c'est toujours d'actualité.

Et dans les deux films le personnage est un véritable con. Dans celle de 1932, Paul Muni a quand même un peu plus de classe et d'humanité que son homologue cubain mais son talent d'acteur est un tantinet déroutant. L'ironie c'est de voir que les malfrats calquent leur rêves envers un film qui fut adapté d'un film qui fut adapté d'un livre qui fut adapté de la vie d'un vrai malfrat (Al Capone.) Il manque plus que la vie d'un de ces malfrats se fasse adapter en livre puis en film et la boucle est bouclée.

Mon avis personnel :

Malgré mon visionnage de ce film avec 38° de fièvre, je l'ai suivi sans m'ennuyer. J'ai beau connaitre toutes les étapes de ce genre de récits, avec le type partie de rien qui élimine sans vergogne tout ses concurrents, les 1h30 de films sont passés sans soucis.

Alors, évidemment, j'ai passé une partie du film à pointer du doigt les archétypes qui apparaissaient que ce soit ceux des films de gangster de l'époque (ha ha, un mec qui passe son temps à lancer une pièce...) ou des ressemblances avec la version de De Palma.

L'un des problèmes que j'aurai à reprocher à ce film c'est que je n'ai eu aucune empathie pour les personnages, que ce soit le gangster principal (mais au fond, j'en avais pas pour Tony Montana non plus) une ordure brutale et assez idiote, ni même pour les gens qui gravitent autour de lui que je trouve assez plats, mention spéciale pour le "comic relief" de service dont l'inclusion dans le film fonctionne mal. Comment un idiot pareil peut-il avoir réussi à survivre dans un monde de gangsters ? (Et jusqu'à l'âge de la calvitie en plus...)

Que ce soit dans le film de 83 ou dans ce film, je n'ai jamais l'impression que l'histoire d'inceste fraternel fonctionne : pour moi, Tony ne veut pas que sa soeur couche avec des mecs non par jalousie mais parce que c'est une petite frappe et qu'il considère comme un affront que quelqu'un puisse se "faire" sa soeur. Du coup le retournement final de la soeur dans ce film m'a paru complètement artificiel, malgré l'envie de Hawk d'en faire des "Borgias moderne." De plus j'ai du mal avec le jeu de Paul Muni : malgré certains plans où il est très bon, j'ai parfois l'impression qu'il passe d'une mimique à une autre de façon assez peu crédible. Est-ce moi où les standards du jeu de l'époque ? A creuser.