Le chiffre 4 ne laissait présager rien de bon. Généralement – à quelques exceptions près – d'après la loi des suites au cinéma, plus le chiffre est élevé, plus le film est mauvais. Parfois dès le deuxième (Matrix Reloaded, Destination Finale 2, Blair Witch 2...), souvent à partir du troisième, voire quatrième volet, ou plus encore (exemple tristement connu de la saga Saw, qui gagne en débilité scénaristique à chaque opus). On était donc en droit de s'attendre à une catastrophe pour le quatrième film de la saga de Wes Craven, rendue célèbre à la fin des années 90 par sa glaçante figure de tueur au masque fantomatique. Or, il n'en est rien. Scream 4 s'avère être, dès sa première vision, non seulement un très bon film de divertissement horrifique, dans la parfaite lignée de ses prédécesseurs, mais également l'une des meilleures œuvres de cinéma de ce famélique début d'année 2011.

Calquant habilement son scénario sur celui des deux premiers Scream, la nouvelle mouture de Craven se paie le luxe de pousser plus loin encore le principe de mise en abyme consistant à enchâsser un ou plusieurs films d'horreur dans le film d'horreur. La séquence d'ouverture, construite comme des poupées russes, enchaîne avec jubilation les apparitions sanglantes de stars du petit écran (Anna Paquin, Kristen Bell...), avant d'entraîner le spectateur au cœur d'une atmosphère à la fois tendue et décalée. L'intrigue, ponctuée par de saisissantes montées d'adrénaline à chaque meurtre, prend le temps d'explorer l'état d'esprit de tous ses personnages, que l'on retrouve quelques années après les événements tragiques de Scream 3. Alors que l'ancienne génération (Neve Campbell, David Arquette, Courtney Cox), toujours au bord de l'auto-parodie, se retrouve paumée dans une époque qui n'est plus la sienne, les nouveaux personnages (Hayden Panettiere, Emma Roberts, Rory Culkin...) incarnent une jeunesse terrifiante d'inconscience et d'irresponsabilité face à l'horreur. Wes Craven joue en maître de cette opposition, se faisant s'affronter impitoyablement les deux générations. Il entremêle ainsi deux points de vue, gravité contre insouciance, sagesse contre crétinisme juvénile. Métaphore d'un cinéma maîtrisé face à un cinéma actuel qui ne se soucie plus de son contenu...

Cela permet surtout au réalisateur, au-delà d'un schéma a priori caricatural, de livrer à chaud une vision de son temps. Scream 4 bâtit en effet, avec une folle insolence, le portrait du cinéma et des médias contemporains. Flirtant avec un cynisme assumé, le film se paie la tête des franchises mercantiles (tous les titres y passent ou presque), alors qu'il est lui-même une énième suite. Mais la cible principale du bazooka horrifique de Wes Craven reste tout de même l'avènement des réseaux sociaux virtuels (effarante réplique « I don't need friends ! I need fans ! ») et le nivellement par le bas de l'image, voire de l'imaginaire. Tout est image, rien n'est image. Le tueur croit faire du cinéma en filmant ses crimes, dans le but de les mettre en ligne sur Internet. Et Craven de fustiger tout un nouveau pan du cinéma d'horreur qui s'illusionne en croyant pouvoir faire peur avec de l'image « vraie », brouillonne, prise sur le vif. Écrasant royalement toute la famille de ces pseudo-documentaires de la peur, le père de La Colline a des yeux vient prouver avec brio qu'il est encore capable de nous faire déconner le palpitant à travers une mise en scène élégante aux images stylisées, aux cadrages posés. Pour lui, la prise de vue tremblotante au caméscope, cette volonté dérisoire du réalisme, c'est de l'amateurisme pur et simple. Et il a bien raison. Le cinéma a toujours été – et restera toujours – l'art du mensonge spectaculaire. Il n'a que faire du réalisme. Force est de constater qu'à ce titre, Scream 4, véritable « film à l'ancienne », est d'une redoutable efficacité. Une leçon de cinéma pour le nouveau cinéma, en quelque sorte. Jouissif !
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le 26 août 2011

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