Première réalisation de Shim Sung-bo, Sea Fog bénéficie de l'influence de Bong Joon-ho qui avait travaillé avec lui sur Memories of Murder et que l'on retrouve ici au scénario et à la production.


Présenté d'abord comme un drame social, Sea Fog navigue peu à peu vers d'autres genres et multiplie ses thématiques plus la croisière avance. C'est l'une des premières influences de Bong Joon-ho, lui aussi adepte de récits variés, à laquelle on peut rajouter le thème familial ainsi que l'étude des classes sociales. Ce dernier point se retrouve dès le concept du film, adaptation d'une pièce de théâtre relatant un fait divers traitant du décès de nombreux migrants chinois dans les cales d'un bateau. Il s'approprie ce fait et en change les personnages et la date, le faisant coïncider avec la crise économique ayant touché l'Asie à la fin des années 1990.


Ce point est particulièrement intéressant, car il est la base de presque tous les événements qui vont avoir lieu, ce n'est pas la soif de l'argent ou la mégalomanie qui vont pousser les personnages dans leur dernier retranchement, mais bien la misère, le fait de juste chercher à vivre, se nourrir et prendre soin de leurs proches. Ces faits les rendent déjà intéressants et l'auteur parvient même à les rendre attachant à certains moments, enfin surtout le jeune garçon, qui tentera jusqu'au bout de garder un sens moral. Il met bien en avant ce que l'humain est prêt à faire pour vivre convenablement, et c'est assez bien écrit pour que ça ait un sens.


Heureusement ça ne s'arrête pas là, et on ne nage pas dans le manichéen ou le misérabilisme. Les actions de nos héros ne sont pas forcément justifiables, même si on peut les comprendre. C'est là que l'oeuvre parvient à s'extirper du drame social, la brume apparaît en même temps que la violence, elle a des allures fantastiques, renvoyant au Fog de Carpenter. La violence visuelle va prendre le pas sur celle psychologique et sociale et ce qui ressemblait d'abord à une chronique où l'on suivait le quotidien de pêcheur va évoluer vers un film plus sombre aux accents surnaturels. Ce qui frappe aussi, c'est l'importance de la romance et la manière très naturelle dont elle est développée, avec une séquence clé où la passion charnelle va soulager des traumatismes.


De la même manière que le ton de Sea Fog évolue, il en est de même pour la mise en scène, d'abord à hauteur d'homme, dans un style se rapprochant du documentaire, avant d'être plus vives et sous tension. L'écriture est simple, présentant d'abord bien les personnages (ainsi que les relations entres eux) quitte à étirer le récit, et montrant bien la vie sur la mer, entre les problèmes mécaniques ou d'addiction sexuelle. Il y a de bonne idée de réalisation pour mieux nous faire ressentir les sensations des personnages (l'importance des seconds plans, certaines séquences importantes hors champs ou l'éclairage sombre de certaines images) et les comédiens, bien dirigés, se fondent parfaitement dans le décors.


Plaçant Sea Fog dans un contexte économique et social aussi délicat qu'intéressant, Shim Sung-bo signe une première réalisation réussie et intrigante, navigant entre différents genres et sachant nous immerger dans un quotidien dur où l'homme va peu à peu se retrouver face à des problèmes et des dilemmes violents, tant physiquement que mentalement.

Docteur_Jivago
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le 6 juil. 2020

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