Martin Luther King est une figure majeure de l’histoire américaine. C’est un pasteur et militant non-violent pour les droits civiques des noirs. Son discours à Washington en 1963 avec le fameux « I have a dream » a fait le tour du monde. Pourtant, c’est la première fois que son histoire est adaptée au cinéma, ou du moins, un de ces combats. C’est celui qui se déroule à Selma, une ville d’Alabama, un état du sud encore sous l’influence des confédérés et donc, profondément raciste.

L’histoire se déroule en 1964, Martin Luther King (David Oyelowo) vient de recevoir le prix Nobel de la paix et c’est auréolé de ce titre honorifique, qu’il demande au président Lyndon B. Johnson (Tom Wilkinson) de donner le droit de vote aux noirs. Face à son refus, il va prendre la direction de Selma, ou la population noire compose la moitié de cette ville et pourtant, ils ne sont que 1% d’inscrits sur les listes électorales. Sa présence va permettre de mettre en lumière ce combat, en attirant les médias. Il va les utiliser pour s’attirer les faveurs de l’opinion publique, en affrontant un Shérif violent devant le tribunal de la ville. Mais aussi pour bousculer le président Lyndon B. Johnson, et lui forcer la main pour l’obliger à revenir sur sa parole. La marche est le point d’orgue, d’une lutte difficile, face au gouverneur George Wallace (Tim Roth), qui considère les noirs, comme une sous-race et n’hésite pas à utiliser la violence pour empêcher cette marche.

David Oyelowo est à la hauteur de cette figure historique, sa prestation est impressionnante. Martin Luther King était aussi connu pour ses talents d’orateur et David Oyelowo a su transmettre la ferveur qui se dégage de ses discours, tout en étant performant face à Tom Wilkinson, lors de leurs joutes verbales. L’affrontement est autant physique, que psychologique. Le film retranscrit bien le contexte politique et social, dans une Amérique, ou le racisme est omniprésent et ou les blancs peuvent tuer les noirs, en toute impunité.

Pour son second film, Ava DuVernay fait un peu preuve d’académisme, mais réussit à faire passer de multiples émotions, à travers les divers événements qui vont se dérouler sous nos yeux. Elle découpe parfaitement son film, en montrant le combat de Martin Luther King, tout comme son intimité, sans faire abstraction des zones d’ombres. Elle ne fait pas de celui-ci un héros, mais un homme avec ses convictions, entouré par d’autres hommes, dévoués à sa cause. Andre Holland, Wendell Pierce et Omar J. Dorsey sont les autres figures importantes de l’histoire. Des acteurs plus habitués au petit écran, qui réussissent le grand saut et démontre, qu’ils sont aussi talentueux que David Oyelowo. Mais le film n’oublie pas les femmes, à travers les personnages interprétés par Lorraine Toussaint, Carmen Ejogo et Oprah Winfrey. La dernière n’étant pas vraiment une bonne actrice, mais comme elle est productrice….Tom Wilkinson, Tim Roth et Giovanni Ribisi imposent aussi leurs présences, tout comme Dylan Baker, qui en une seule scène campe un J. Edgar Hoover dénué d’humanité, plus proche d’un psychopathe, que d’un directeur du FBI.

Le récit est ponctué par les notifications s’inscrivant sur l’écran. Elle est du fait du FBI, surveillant les moindres faits et gestes de Martin Luther King, tout en le mettant sur écoute et tente de le déstabiliser, par le biais de sa femme. Une idée permettant d’encore mieux comprendre l’état d’esprit de cet homme qui semble fatigué et de sa femme, vivant dans la peur. Il se sacrifie pour le bien de sa communauté, mais pas seulement. Son combat est celui de tout un peuple, il va même jusqu’à avoir le soutien de Malcom X, qui le traitait auparavant d’oncle Tom.
La violence est omniprésente, à travers les regards de cette police n’hésitant pas à jouer avec leurs matraques, aussi bien sur les hommes, que les femmes. Mais Ava DuVernay ne sombre pas dans la facilité, en évitant de montrer frontalement ces actes ignobles. Les cris, les visages effrayés et les ombres, retranscrivent très bien la douleur de ces gens, ou à tout moment, la mort peut frapper.

50 ans plus tard, le monde a changé et l’Amérique aussi, du moins en apparence. Les récents faits divers, démontrent que la police continue d’assassiner des hommes noirs, sans être vraiment inquiété. Le racisme est toujours aussi présent, même s’il a pris divers formes à travers un racisme social. Mais on ne peut nier une évolution, ce qui permet à ce film d’exister.

L’excellence de son interprétation reste son atout principal et permet de découvrir des acteurs, trop souvent cantonnés à des rôles secondaires. Le film n’a ni la puissance, ni la réussite du Malcom X de Spike Lee, mais cela reste un bon film, qui permet de découvrir un moment important de l’histoire américaine.
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le 12 mars 2015

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Laurent Doe

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