Tiré d'un fait divers réel, 7 morts sur ordonnance entend raconter le suicide de deux chirurgiens à 10 ans d'intervalle dans une ville de Province. Jacques Rouffio choisit de rendre présent le drame du passé par la grâce du montage : on passe constamment du présent vécu par Losseray (Piccoli) au passé glorieux et tragique de Berg (Depardieu). Le casting est parfait : Piccoli, mélange de fragilité et de convictions, tout en intériorité comme il sait si bien faire ; et Depardieu, charismatique, magistral (il suffit de le voir suivi par une pléiade de blouses blanches pour sentir le magnétisme qu'il dégage).
Dans cette énième version du "seul contre tous", les méchants sont incarnés par une famille de médecins menés par le mielleux Brézé - Charles Vanel, qui incarne la 3ème génération. Quelques bonnes trouvailles, comme l'opposition vestimentaire entre les "vrais" chirurgiens, en marcel, et les notables vénaux, toujours en noeud pap', même lorsqu'ils sont au travail. Rouffio ose aussi une scène d'une violence sèche, lorsque Berg extermine froidement toute sa famille à la chevrotine. Et la scène du poker est pleine de suspens.
Mais tout cela n'est-il pas un poil caricatural, et manichéen ?! La mafia de province qui oppresse tout ce qui est honnête et/ou talentueux... La lâcheté de tous, celle du flic comme celle du psychiatre. Sans compter un problème de crédibilité : ni le suicide de Berg ni celui de Losseray ne m'ont semblé suffisamment amenés psychologiquement. Et on comprend mal l'acharnement contre Losseray : il semble tout de même nettement moins "dangereux" que l'incontrôlable Berg, qui multipliait les provocations... Certaines scènes frisent le ridicule : Mme Losseray qui fait sa valise avant de changer d'avis quelques minutes plus tard, Brézé qui appelle systématiquement les gens à des heures impossibles, Mathy qui assiste à l'ultime opération de Losseray (c'était pour faire le pendant avec le coup de fil de Berg à Mathy avant de se suicider).
Et puis il y a le male gaze, commun à beaucoup de films de cette époque : les femmes y sont toutes subalternes, elles ne sont là que pour supporter leur mari, ou comme assistantes. A moins qu'elles ne soient peureuses et influençables, comme la femme qui succombe à l'opération. Si elles posent des questions, on leur répond une fois sur deux et elles s'en accommodent très bien ! Et toutes sont admiratives des hommes.Tout cela devait paraître tellement naturel à l'époque... Mais nos yeux se sont décillés non ? Et ce genre de film a pris un coup de vieux. Bien sûr, ce n'est pas l'unique critère d'appréciation, et je peux porter aux nues un film qui serait affligé de ce "défaut" ! Mais là, la réalisation étant plutôt académique, le travers n'en ressort que d'avantage.
Il y a aussi un certain parisianisme dans cette peinture de la "province" (on est à Clermont-Ferrand, le trou du cul de la France !) forcément sous l'emprise des batailles mesquines et des cadavres dans le placard. Chabrol a beaucoup donné dans ce registre, avec sans doute plus de talent, ce qui rend toujours plus indulgent.
Rien de honteux non plus, l'affaire est bien menée et se regarde sans déplaisir, notamment grâce à la distribution. Du cinéma "qualité France" des années 70, à la Sautet, auquel on pense à cause de Piccoli, mais en nettement moins bien.