Septic Man
4.3
Septic Man

Film de Jesse T. Cook (2013)

La critique est parfois totalement dénuée de sens. Lorsqu’un film s’appelle Septic Man, qu’il cause d’un mec coincé dans une fosse septique, et que toutes les affiches possèdent une accroche usant d’un jeu de mot scatophile, on sait pertinemment à quoi l’on aura droit. Pourtant la presse ne peut s’empêcher de descendre ce genre de production pour sa forme, alors que le public qui ira le voir sait non seulement ce à quoi s’attendre, mais en plus c’est ce qu’il demande. Paradoxalement, cette même presse use de blagues autour du caca pour le dénigrer; c’est un peu l’hôpital qui se fout de la charité (le constat avait été identique pour Dreamcatcher en 2003). Certes, les blagues de prout dans les bobines d’Adam Sandler ne font plus rire personne, en revanche un type baignant pendant plusieurs jours dans une marre de fèces et se transformant lentement en une sorte de merde géante via des mutations vomitoires, ça c’est du jamais vu, et histoire de faire une blague pas trop caca, c’est un « bol d’air pur » (ou « vent de fraicheur », on vous laisse choisir celle que vous préférez).
On aurait tendance à l’oublier, mais il y a une quarantaine d’années le Canada était l’un des territoires les plus prolifiques en terme de cinéma extrême, il suffit de se pencher sur les Ilsa ou les perles de David Cronenberg pour s’en convaincre (rappelez-vous Frissons sorti en 75). Un cinéma auquel on se réfère en général en utilisant le terme « canuxploitation », du brutal, de l’obscène, du cinéma qui fait exprès de faire l’ignoble afin de révulser les culs pincés de la critique mainstream, quelque chose que Septic Man aura réussi haut la main.


Mais est-ce que Septic Man réussit tout haut la main ? Ça serait mentir que de dire que oui, car s’il est original dans sa forme, le fond est somme-toute assez creux. N’y cherchez aucune métaphore ou allégorie, ici seul le spectacle compte, or cela nous procure un curieux sentiment, le scénariste étant Tony Burgess, et après le sublime Ponty Pool on passe de quelque chose de particulièrement malin à quelque chose qui n’a pas du prendre plus d’un weekend à être écrit. Pour comparaison, il n’a qu’un peu moins de 400 séquences de texte, or un épisode de série télé standard de 45 minutes en contient en moyenne 600. Cela dit lorsque l’on vient de farcir un épisode de Under The Dome et ses 700 séquences de connerie, on se dit qu’effectivement, ça n’est pas la quantité qui compte…
Quoiqu’il en soit, si on laisse de côté la vacuité de l’ensemble, on s’étonne de voir certains plans très recherchés, dont certains très lyriques, et après le pathétique Monster Brawl, Jesse Thomas Cook nous prouve que finalement il a quelque chose à nous montrer, la scène d’ouverture étant un très bon exemple, où une jeune femme expulse des litres de diarrhée et de vomi dans des toilettes publiques dont les murs ont copieusement recouverts d’excréments.
Bonus, Robert Maillet interprète un sympathique géant qui cause en québécois, malus, Stephen McHattie tient ici assez minable, celui d’un Maire dont on voit quelques interventions sur des écrans de télé. En revanche Julian Richings s’en sort très bien, tout comme Wil Burd qui fait froid dans le dos en espèce de psychopathe squelettique, et évidemment Jason David Brown, alias Septic Man, qui a d’ailleurs reçu le prix du meilleur acteur au Austin Fantastic Fest.
Septic Man est un film particulier, qui ne s’embarrasse pas du pourquoi et du comment, pierre angulaire du cinéma d’exploitation canadien des années 70. Extrême jusqu’aux circonvolutions anales, il redouble d’ingéniosité dans l’horreur nauséabonde et expérimentale qui va crescendo jusque dans un final repoussant toutes les limites.


Critique

SlashersHouse
7
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le 26 août 2015

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