Deux hommes dans un train font la connaissance d'une jeune femme. Ce sont trois artistes qui se rencontrent, et c'est la pratique de l'art qui va d'abord les rapprocher. Elle, Gilda, est dessinatrice pour une agence de publicité. Georges (Gary Cooper) est peintre. Thomas (Fredric March) est dramaturge.
Très vite, nous sommes frappés par la vivacité du film : les dialogues sont rapides et ciselés comme des diamants, les gestes sont précis, le rythme est rapide. Même s'il s'agit de l'adaptation d'une pièce de théâtre (de Noel Coward), ça ne sent pas un seul instant le théâtre filmé.
Très vite, on s'aperçoit aussi de la qualité de l'interprétation. Le casting (qui tient essentiellement en trois acteurs et une actrice) est formidable. Cooper et March parviennent à avoir une classe folle tout en ayant ce brin de fantaisie qui les rend socialement dangereux.
Car, qu'on ne s'y trompe pas, le film a également un aspect politique. l'opposition entre les deux artistes d'un côté, et Plunkett (Edward Everett Horton) de l'autre, c'est l'opposition entre la fantaisie et le sérieux, entre l'art et l'argent, entre la finance et la bohème. Entre l'ennui et le rêve. Entre le socialement responsable, le convenable et la maturité (Plunkett) et l'immaturité marginale et scandaleuse.
car la situation de Gilda était terriblement scandaleuse pour l'époque, et Lubitsch fait preuve d'une extraordinaire audace dans son film. Une femme avec deux hommes en même temps ! Ne pouvant choisir, elle les prend tous les deux ! Enfer et putréfaction ! D'autant plus que le film ne laisse aucun sujet de côté, traitant frontalement l'aspect sexuel du problème. Lubitsch ne fait pas dans la romance éthérée ni dans la mièvrerie pseudo-sentimentale. Il ose, et son film a dû faire l'effet d'un bâton de dynamite dans le monde feutré de son époque.
Mais ne nous y trompons pas, le grand cinéaste ne cherche pas le scandale. Il montre une situation d'interdépendance. S'ils vivent à trois, c'est bien parce qu'il est impossible de faire autrement. Gilda ne peut choisir entre les deux hommes, il est vrai, mais aucun des deux prétendants ne peut choisir entre Gilda et son compagnon. le trio est tellement complémentaire que, quand il en manque un, les deux autres sont déprimés et plus rien ne va.
Une comédie brillante et formidable, aux répliques qui fusent et aux acteurs inoubliables. Et même si la seconde moitié est plus calme, plus lente et plus émouvante, ça n'enlève rien à la force de l'ensemble.
SanFelice
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le 11 janv. 2013

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SanFelice

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