Réalisé comme dans la peur de ne pas être à la hauteur de Forrest Gump

Quantième Art


Après leur fabuleuse collaboration dans Forrest Gump, Tom Hanks et Robert Zemeckis devaient placer la barre très haut pour convaincre. Et histoire de ne pas s'auto-cliver, le réalisateur a choisi de couper son film en deux, un genre que je vais qualifier de split parce que pourquoi pas.


D'un côté du split, nous avons le grand Tom Hanks. De l'autre, il y a le grand Tom Hanks. Des rôles radicalement différents où il va savoir tout gérer, parce qu'il est Tom Hanks. J'ai rarement été autant convaincu par l'amitié d'un homme avec une balle de volley, pourtant cette histoire dans l'histoire, quoique puisse en faire penser mon commentaire, est déchirante. Il est un peu dommage que le côté survivor du film ne soit pas tout à fait à la hauteur de sa star. Il peine à percer du côté ensoleillé des nuages de son parachèvement, trop peureux peut-être.


[Spoiler fort] On est justifié dans ce sentiment par la toute fin du film qui est la négation de son moteur. C'est l'amour qui fait survivre le personnage de Tom Hanks sur son île déserte, pourtant il l'abandonne par résignation et la dernière image nous suggère qu'il va s'en reconstruire un. Sans parler de la mièvrerie de la manière dont c'est suggéré, on a envie de hurler « tout ça pour ça ? » et c'est tout à fait navrant. [Fin spoiler fort]


[Spoiler léger] Certains des éléments scénaristiques semblent aussi avoir été gérés sous analgésiques, dont le personnage aurait fait meilleur usage. On voit venir gros comme un paquebot que sa mauvaise dent va lui jouer un mauvais tour, et pour cause, on insiste longtemps dessus. Au final, elle sera utilisée avec molesse pour introduire un saut dans le temps de quatre ans (oui je sais, drôle de rapport) qui, quoiqu'inévitable, m'a littéralement fait sursauter sur mon siège. D'un autre côté, les blessures relativement graves dont il souffre ne posent même pas la question d'une guérison douteuse. [Fin spoiler léger]


Pourtant, l'immersion – sans mauvais jeu de mots – fonctionne parfaitement. La gestion « à l'américaine » du traitement du film lui permet de nous faire oublier qu'il est totalement dépourvu de musique pendant un grand moment, et c'est avec plaisir qu'on va recevoir son entrée. C'est du divertissement au quintal, sauf que sa nature split peut décevoir ceux qui préfèrent un côté à l'autre. Personnellement, j'ai eu du mal à tolérer la fin de son calvaire, et cela m'a confronté à l'échec du film quant à me faire éprouver de l'empathie pour son personnage – qu'heureusement j'ai ressentie à d'autres moments (parce que c'est Tom Hanks, je vous l'ai déjà dit ?). Au final, on peut louer la simplicité de l'histoire, dont la clé de voûte est la classe de la collaboration Hanks–Zemeckis ; on n'a pas l'impression de suivre les pérégrinations d'un héros à la Robinson Crusoé, mais juste les mésaventures extraordinaires et justement dosées d'un homme ordinaire.

EowynCwper
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le 5 mai 2018

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Eowyn Cwper

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