Le boucher, il en a marre de tous ces cons qui respirent son air
C'est du premier long de Gaspar Noé que je te parle, ouais. Le Boucher, c'est pas un tendre. A force de découper de la viande de cheval en rondelle il a voulu s'attaquer à un plus gros steak, direction la taule illico. Faut dire, la taule, ça vous change un gars, mais pas le Boucher. A sa sortie de zonz il est devenu barman le jour, gigolo la nuit, se tapant la grosse patronne pour garder sa place et en avoir une nouvelle. Il avait rien compris, l'Boucher.
Les femmes, c'est comme des plantes carnivores. T'enfonce ta queue dans leur fente bien rose, croyant renifler l'odeur du pistil, mais aussitôt ces vicelardes se referment sur toi, et elles te bouffent tout entier. En prenant bien leur temps, les salopes, étouffant ta liberté et suçant tout ton pognon et toute ton énergie. La grosse lui avait fait un enfant dans le dos, ou en tout cas c'était tout comme, et il était dans la merde, le Boucher.
"Soit t'es né avec une bite, et tu n'es utile que si tu te comporte comme une bonne bite bien dure qui bourre des trous; soit t'es né avec un trou, et tu ne seras utile que si tu te fais bien bourrer.
Mais dans les deux cas t'es tout seul."
Seul Contre tous est donc le premier film du fascinant Gaspar Noé, qui nous fait explorer avec plaisir la psyché de son personnage principal : Un ex-boucher, incarcéré suite à un malheureux concours de circonstance, qui souhaite refaire sa vie avec une patronne de bar en profitant de la vente de son bien. Somme-toute un homme du commun, un peu rude, mais pas inhabituel.
Mais là où le film est très intéressant, c'est qu'il nous assène les pensées du boucher en flux continu, on est constamment soumis à ce monologue plus ou moins cohérent, plus ou moins sombre ou haineux qui s'attaque à tout le monde : riches, pauvres, femmes, amis, vieux, étrangers, allemands, religieux... mais surtout, on peut observer la divergence entre la réalité des images et des situations, et leur interprétation et transformation au travers du prisme de la psyché du boucher.
"Avec les coups que j'lui ai foutu elle doit être en train de chier son fœtus sur la moquette. Ça peut me coûter cher cette histoire-là."
Ainsi, le boucher, homme somme-toute sensible et égocentrique (comme nous tous), percevra comme une agression insupportable le moindre regard de travers, ton condescendant, odeur étrangère, agression ou dispute et ses pensées se peupleront aussitôt des phantasmes de vengeance et de violence les plus noirs. On suit donc l'évolution logique des pensées et actions du personnage au fil de la faim, du refus et des mésaventures qui le mènent à faire et penser les atrocités les plus démesurées, mais sans que cela ne soit tellement perçu comme une injustice car il n'y a pas incompréhension du personnage :
La justice est une appréciation subjective du légitime, et tout est légitime dans un enchaînement de circonstances déterminées.
"Surement que la grosse se fait déjà passer pour une victime."
L'intérêt du film se base donc sur cet écart entre idée et réalité, sur le cynisme du personnage mais aussi le grotesque de son comportement, le tout créant un ensemble comique hilarant où la tension monte, monte, monte. Jusqu'au climax final. Et quel climax ! L'un des moments les plus émouvants du cinéma.
Et tout d'un coup on comprend beaucoup mieux le personnage, son parcours, ses réactions.
Le boucher est un homme vivant dans une société qui lui interdit d'aimer : un homme condamné à la haine et à l'aigreur.
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