Une violente tempête sur Mars oblige les astronautes de la mission à quitter précipitamment la planète, laissant pour mort un de leur collègue. Celui ci, Mark Watney, doit donc organiser sa survie pendant quatre ans avant de pouvoir éventuellement être sauvé par la NASA.


Pour la troisième année de suite, nous avons le droit à notre gros film de SF automnal. Le technologie permet aujourd’hui de retranscrire les contraintes et la beauté de l’espace intersidéral pour le plus grand plaisir des rêveurs que nous sommes. Ce retour en force de la science fiction, et plus précisément du space opéra, est extrêmement marqué par le courant de la hard-science qui met en avant le réalisme et donc l’hostilité de notre environnement spatial. De genre relativement confidentiel de la littérature, la « science dure » s’est faite une place dans nos cinémas, Interstellar étant sans nul doute le premier véritable héritier de 2001, l’Odyssée de l’Espace.


Comme je l’ai plusieurs fois démontré sur ce blog, cette éclosion de la hard-science a fait naitre en moi un fantasme cinématographique profond : celui de ressentir l’hostilité, la profondeur et le mystère de l’espace avec ses contraintes réelles. Gravity et Interstellar m’ont malgré tout un peu déçu sur ce point car la narration hollywoodienne à toujours modifié les lois de la physique à sa sauce. On en revient à l’éternelle question de savoir si un film peut se permettre d’être totalement réaliste pour être réalisable et bien entendu pour fonctionner à l’écran. Une chose est sûre, nous ne le saurons pas avec Seul sur Mars, fruit du désormais traditionnel blockbuster de l’infatigable Ridley Scott. Le film est inspiré d’un livre que je n’ai jamais lu, c’est pourquoi je me contenterai de parler uniquement du film.


Le pas en avant vers un cinéma de hard-science est bafoué par le réalisateur britannique qui décide de sacrifier l’idée d’un huis-clos martien pour une histoire totalement bateau d’un sauvetage à haut risque. Le problème est qu’on ne doute pas une seconde de la fin du film alors même que notre héros se trouve à une distance inouïe de la planète bleue. Ce qui casse la dynamique est l’élaboration du plan de sauvetage sur Terre et des conséquences médiatico-politiques à peine survolées. L’ensemble de ces scènes sont terriblement convenu et inintéressant, que ce soit d’un point de vue narratif ou de mise en scène. Ainsi, une succession de séquences plus ou moins crédibles conduisent les scientifiques de la NASA à prendre des décisions rarement cohérentes. D’ailleurs, le boss de l’agence spatiale (dont le logo apparait environ un milliard de fois) n’est autre que Jeff Daniels, l’incorrigible acolyte de Jim Carrey dans Dumber & Dumber. Son personnage est tellement insignifiant et caricatural qu’on aurait préféré qu’il soit coincé sur Mars à tout jamais. Un rôle qui aurait pu convenir à Sean Bean mais celui-ci sert plutôt de faire valoir au fort capital sympathie.


Prendre les spectateurs pour des cons devient même totalement assumé lorsque les analogies pour nous expliquer les mécanismes spatiaux se limitent à utiliser une agrafeuse, quelques bruits de bouche ou une pauvre salière qui n’a rien demandé. A contrario, quand Matt Damon fait pousser des patates avec du caca sous vide, il invente un système d’irrigation dont le commun des mortels sera bien incapable de comprendre les spécificités tant l’explication est complexifiée. Toute vraisemblance est ainsi jetée à la poubelle pour créer un mélodrame saturé d’un héroïsme américain sans fioritures.


Fort heureusement, les séquences sur Mars sont plus agréables. Visuellement ça claque et les décors sont magnifiés par une belle 3D. Le orange donne beaucoup de force aux images comme le matériel scientifique qui a vraiment de la gueule : que ce soit les vaisseaux spatiaux, le module martien, les tenues de survie ou le véhicule tout terrain. Ces bonnes intentions au service de l’immersion ne s’appliquent cependant pas au cosmonaute Mark Watney puisque sa survie ne dégage aucune dimension psychologique. Là où le sujet aurait pris tout son sens, notre héros prend la situation avec légèreté et rigolade. En effet, tout est tourné à la dérision et on peine à ressentir la solitude absolue d’un homme qui passe ses journées à parler tout seul. Pas d’attache familiale, pas de pensées négatives, juste un type hermétique à toute émotion, hormis l’humour. Évidemment, je conçois la difficulté de mettre en forme un huis-clos. Mais si l’on voulait faire ressentir la solitude extrême et l’absence de contact avec la Terre, il aurait mieux valu que tout le film se passe uniquement sur Mars, quitte à être contemplatif. A la place, la trame scénaristique ne peut s’empêcher de combler les silences. En dépit d’interlocuteur réel, Mark Watney raconte sa vie à haute voix à son journal de bord où lit les conversassions à travers son écran d’ordinateur. Autant de situations pas naturelles au cinéma. Enfin, les ellipses temporelles enlèvent toute dynamique à l’action qui est censée se dérouler sur quatre années. Pour faire passer la pilule, les unités de temps ne sont pas données en jours terrestres mais en « sols » martiens.


Dernière étrangeté de Seul sur Mars, sa bande son disco. Originale à coup sûr, elle accentue également le second degré exagéré du film jusqu’à partir dans tous les sens à l’image du générique de fin tout droit sorti d’une sitcom et qui enchaine sur I’ll Survive. Un bel exemple de mauvais gout alors même que des compositions plus traditionnelles et le Starman de David Bowie s’invitent à la fête.


La technologie actuelle permet de réaliser de très jolis films sur l’espace, Seul sur Mars en est encore la preuve. Néanmoins, ce que l’on attend comme de la hard science n’est en fait qu’un film de SF léger et remplaçant la dure survie d’un homme dans un monde hostile par le spectaculaire et l’invraisemblable. Alors oui, c’est divertissant mais il y avait tellement mieux à faire avec une idée pareille… A des années lumières du viscéral et claustrophobique Moon, indéniablement moins puissant et intriguant qu’Interstellar, le dernier blockbuster de Ridley Scott l’a joue « petite bite » sans prendre le moindre risque. Il serait sans doute plus opportun de lire le bouquin ou d’attendre Prometheus 2 (:toux:).

ZéroZéroCed
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le 24 sept. 2016

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