Seven tient toujours autant la route qu'à l'époque. Vu au cinéma, l'ambiance est anxiogène, l'odeur, acre, le rythme, palpitant. En DVD, la bande de Fincher ne perd pas de sa superbe, et y gagne même un certain caché « vintage » pas déplaisant. On nous promet du suspens en créant les conditions d'une enquête de thriller, on en a. Le détective Mills veut de l'action, Fincher nous en régale.

En remettant en cause l'état fébrile de la société occidentale par le truchement d'une ville fantasmée digne de Gotham City ou d'un Chicago romanesque, Fincher accomplit une sorte de la vulgarisation philosophique. Un mot d'ordre antithétique face à la thèse fataliste de la déprime ambiante : ne rien lâcher ; à l'image de l'inspecteur joué par Freeman qui doit partir à la retraite, mais pas avant d'avoir bouclé la plus grande affaire de meurtres en série du siècle. Bergers porteurs de lumière dans un Sodome et Gomorrhe palpable, les deux agents sont parmi les derniers gardiens d'une Raison qui semble avoir abandonné tout habitant de la ville. Alors que le serial-killer formidablement campé par ... est le premier à s'en offusquer, il est lui aussi touché par ce mal mystérieux, cette sorte de « sanie des siècles » qui se répand comme une épidémie : j'ai nommé l'inclination aux septs péchés capitaux.

Car il est principalement question de ces péchés, dans le titre comme au cours du film, versé dans un prêche du dogme chrétien perverti par un type ouvertement déclaré fou à lier. Au sortir d'un examen superficiel des causes et effets de cette résurgence des péchés quasi-originel, il est évident que dans un esprit sain ou salace, vouloir lutter à tout prix contre ces péchés est inévitablement recréer les conditions de leur propagation. Que ce soit du côté du bon (les flics) ou du mauvais (le tueur), la volonté de faire le « bien » nécessite de passer par l'intermédiaire du « mal », créant ainsi, toujours, encore et encore, la fresque métaphorique du génocide maquillé de Sodome et Gomorrhe.

A priori plutôt convenu, le message du réalisateur est tellement enrobé dans un univers mythologique d'une envergure et d'une puissance incontestables que l'on ne peut que s'incliner devant le travail accompli, qui nécessiterait une analyse plan par plan pour examiner les détails, références et clins d'oeil sous toutes les coutures, de l'image à la bande-son en passant par le montage de la narration. A peine vieilli, toujours aussi efficace, Seven serait bien, comme promis, la masterpiece de Fincher ?
Adrast
8
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le 21 mars 2011

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Adrast

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