Tsui Hark,figure de proue du cinéma d’action asiatique, est mondialement reconnu pour sa capacité à transcender le simple film de baston en grandiose ballet chorégraphique. A l’inverse de nombres de ses compères hollywoodiens, les nombreux combats qui traversent sa filmographie servent de catalyseur à l’avancé de ses scénarios, et non l’inverse. Sa science parfaite du mouvement dans le cadre complète à merveille sa connaissance incroyable des arts martiaux. De par sa volonté de respecter scrupuleusement le film de genre dans ce qu’il incarne de cette grande tradition du Wu Xia Pian(combinaison de combats à mains nus et avec sabres et épées),il étudie minutieusement l’espace accordé à ses acteurs pour leur laisser libre cours dans la retranscription et l’inventivité de gestes acrobatiques avec une folle élégance.

« Seven Swords » ne fait pas exception à cette matrice fondamentale. Fresque épique relatant la sanglante bataille entre de valeureux villageois, héritiers d’une ancestrale tradition guerrière, à la despotique armée de L’Empereur chinois ; le maitre fait preuve de toute sa maestria habituelle pour nous conter cette épopée héroique.En plus de s’approprier de L’Histoire de L’Empire du Milieu,il revisite à sa façon tout un pan de la cinématographie sino- hongkongaise. La brutalité monstrueuse dont fait preuve ce chef de guerre pour anéantir ce peuple fier, illustre gardien du temple de tout un savoir, n’est pas sans évoquer la période contemporaine de La République Populaire.Ses nombreuses colonies, passées et actuelles, sous le joug dictatorial communiste ont bravement repoussées l’envahisseur. On devine en filigrane l’écrasante figure du Maoïsme,de nom et nature différente en ce temps immémorial, doctrine tutélaire du nationalisme rampant. Idéologie individualiste au service d’un leader, elle ne bâtit sa conception que dans l’unicité de pensée et d’agissement et réfute catégoriquement toute autre forme de construction politique. Quiconque ose contester ce procédé se voit systématiquement accusée de trahison envers La Nation et doit périr dans une atroce agonie. Mêlant habilement conte et légende urbaine, le réalisateur s’empare de ce matériaux originel pour fonder sa propre mythologie. Pléthore de personnages et de situations inextricables sont ici associés dans le but de mutualiser enjeux historiques et fiction.S’il n’oublie pas de rendre un précieux hommage à ses prédécesseurs et à la mémoire des opprimés, il n’en garde pas moins en tête que toute bonne reconstitution ne peut se suffire à elle-même sous peine de phagocyter l’imaginaire nécessaire à ce type d’entreprise.

Pour cette raison, il invente un Royaume fantasmagorique ou s’imbriquent l’héritage de Confucius et l’allégorie du pouvoir avec son probable fantasme personnel de La Résistance éparse plus forte que L’Assemblée corrompue. Il ya la dans l’idée que chaque composante d’un groupe uni et soudé dans l’effort, aussi faible soit elle, vaudra toujours plus par son courage et son abnégation que l’agrégation de forces communes malveillantes. L’alliance de l’intelligence, de l’agilité, de l’entraide et de la volonté surpasse la force, la rapidité et la rapacité de la souveraineté et de l’omnipotence. Le réalisateur le démontre par sa mise en scène virtuose. Ne cadre t-il pas ses héros en plans larges mouvants comportant souvent plusieurs comparses prêts à aider sur le champ une quelconque défaillance alliée ?Ce n’est pas innocent tant il raconte par ce procédé de caméra l’ingéniosité de cette méthode. A contrario, les sbires machiavéliques du tortionnaire sont enfermés dans un cadre stricte la plupart du temps statiques, signifiant l’impasse dans lequel s’enferrent ces protégés du diable. Telle cette effrayante garde du corps s’enivrant du sang des macchabées, à l’incroyable souplesse féline mais laissée à sa solitude mortifère contre le mystérieux athlète coréen. Une piste parmi de nombreuses autres qui prouve la solide ligne directrice du soliste Hark.Ne pas oublier aussi l’idée importante selon laquelle un territoire trop centré sur son pragmatisme insensé ne le protège pas de menaces intérieures.En effet, l’ennemi n’est pas toujours celui que l’on se désigne trop facilement à coup d’arguments fallacieux pour s’ériger en victime expiatoire dans le seul but de forger son impérialisme puéril sur la région. Le camp retranché dans lequel s’abritent les humbles soldats pour démasquer le traitre du groupe tend à montrer que la suspicion du corps étranger peut s’avérer fort inutile car elle masque la réalité qu’on ne saurait voir. Elle obscurcit fatalement le jugement perspicace de la situation donnée et déclenche des à priori. C’est en réfléchissant et en veillant à la pérennité du groupe qu’on arrive à s’ouvrir le chemin de la vérité. L’entente entre les peuples est aussi primordiale, en atteste cet exilé sud-coréen à la fougue et à la dextérité incroyable. Son apport est essentiel dans le rétablissement de la justice et permettra la fin partielle de la boucherie sauvage.

Il est ici incompréhensible que cette œuvre monumentale ne soit pas interdite aux plus jeunes tant la violence omniprésente surgit à chaque instant. Décapitations et autres sauvageries du genre semblent ne pas suffire à la commission de classification française pour limiter la vue de ce long-métrage aux seuls majeurs. Cette raison mise à part, la profusion gargantuesque d’affrontements intrépides et la densité du scénario étouffent malheureusement la trame d’une histoire suffisamment complexe à la base pour se laisser totalement happer par cet ébouriffant spectacle. Des regrets qui n’effacent pourtant pas la géniale virtuosité du maitre et dont la parfaite maitrise d’ensemble devraient inspirer les tacherons américains qui engorgent nos salles obscures d'hideux produits de contrefaçon.
Sabri_Collignon
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le 16 août 2014

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