Pour un peu que Michael vous Fasse-bander.

Le plus triste avec Shame, c'est qu'il va sans doute bénéficier malgré lui, du moins en France, de la médiatisation outrancière de l'affaire DSK. Pourtant, avec la seconde collaboration entre Steve Mc Queen (II) et Michael Fassbender, après le très bon Hunger, on est bien loin du misérable feuilleton journalistique plus pervers que son sujet. Après le corps d'un martyr (Bobby Sands) qui refuse de se nourrir pour plaider sa cause, c'est le corps d'un hyper actif sexuel qui est mis à nu (littéralement).


La grande force du film est de laisser parler les images pour ce qu'elles ont à montrer et pas à dénoncer. Shame évite tout écueil moral, et préfère au jugement sentencieux la simple constatation que tout un chacun n'est que le produit d'un monde qui n'a jamais été aussi malade, froid, sans vie (« we are not bad people, we just come from a bad place »). Brandon, interprété par un Michael Fassbender absolument époustouflant, est un abonné des coups d'un soir et du plaisir solitaire. C'est au contact de sa sœur, d'un rapport des plus humains qui soit même dans ses échecs, que Brandon face au miroir se verra, sans pouvoir rien y changer, tel qu'il est, tel qu'on on ne l'acceptera jamais, incapable d'être. Les turpitudes de son for intérieur et la lividité clinique de son appartement haut standing, résonnent comme le constat dramatique d'une société désenchantée, rationaliste où la figure déshumanisée de Brandon s'imposerait en paradigme.


En deux films seulement, Steve Mc Queen, dont on commence à discerner les composantes stylistiques, évolue vers un cinéma qui gagne en puissance visuelle ce qu'il perd en radicalité du propos. Sans tomber dans la complaisance d'un côté, ni dans la répulsion de l'autre, Shame trouve un équilibre dans le point de vue qui permet paradoxalement de saisir tout le déséquilibre qui fait le quotidien de ces êtres en dépérissement tentant de satisfaire le besoin immédiat à défaut de perspectives de vie (une carrière de chanteuse, une relation amoureuse...).


Toute sa réussite réside dans son esthétique, du son et de l'image, qui toujours signifiante amène le film vers des sommets de mise en scène. Lors de l'ouverture ou encore lors de la scène du bar, McQueen semble s'ériger contre le Temps et même en jouer, comme pour rappeler ces dérives-là ne sont pas les suites d'une mauvaise passe, mais que les pathologies faites de non-dits s'incrustent comme les pires cicatrices.
Heisenberg
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le 9 déc. 2011

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