Et l'éclair de Shazam devint une des plus belles lueurs du DCU...

L'ironie aura donc voulu que deux Captain Marvel sortent sur grand écran à moins d'un mois d'intervalle. La première aura été Carol Danvers, celle amenée à rejoindre les Avengers du MCU et qui a usurpé son nom au deuxième au fil des années. Car, oui, Shazam s'appelait bien Captain Marvel à sa création mais, suite à la faillite de sa maison d'édition, le personnage est revenu sur le devant de la scène accompagné d'un imbroglio judiciaire où DC s'est vu obligé de laisser le nom de ce héros à Marvel (et c'est un peu logique quelque part, un Captain Marvel chez DC aurait fait un peu tâche, encore plus aujourd'hui). Évidemment, comme la popularité de ce super-héros était énorme (dans les années 40, elle surpassait celle de Superman aux États-Unis, imaginez un peu), DC n'a jamais envisagé d'abandonner le personnage malgré cet aléa et l'a tout simplement ressuscité depuis 1972 sous le nom de Shazam, la célèbre formule que le super-héros prononce pour acquérir ses pouvoirs issus des dieux de la mythologie grecque (la sagesse de Salomon, la force d'Hercule, l'endurance d'Atlas, la foudre de Zeus, le courage d'Achille et la vitesse de Mercure).
Après le carton mondial de "Aquaman" qui a permis au DCU de sortir quelque peu la tête de l'eau (applaudissements), Warner continue donc de tatonner en matière d'univers de super-héros et prend quelque part un risque en adaptant "Shazam!" dont la célébrité auprès du grand public reste limité au territoire américain. Mais les têtes pensantes (enfin, des fois, on se demande si ce qualificatif est judicieux) du studio s'assurent aussi une certaine zone de confort avec ce personnage aux propriétés bien spécifiques. En effet, par l'intermédiaire de ce petit garçon se transformant en adulte bodybuildé et doté de capacités extraordinaires, le film a clairement le potentiel d'aller lorgner sur un terrain humoristique qui a fait le succès de son grand rival Marvel en usant de ce postulat finalement très absurde et propice à des situations décalées. Le choix de Zachary Levi et sa tête de grand nigaud sympathique dans le rôle principal, connu essentiellement pour la série "Chuck" (et un passage éclair dans les "Thor"), témoigne d'ailleurs de cette volonté d'adopter un ton bien plus léger que tous ses confrères de l'écurie DC...


Bon, on ne va pas se mentir, on ne misait pas grand chose sur ce "Shazam!", au mieux, un divertissement faisant le job à l'instar des produits standards du MCU... Et la surprise n'en est que plus bonne !! Car, non seulement le film de David F. Sandberg surpasse aisément les canons des derniers Marvel en matière d'origin stories (coucou l'ancienne homonyme prisonnière de la formule habituelle !), mais il réussit aussi le tour de force d'être le meilleur long-métrage du DCU revenant au mythe fondateur du super-héros depuis un bon moment ! Tout n'est pas parfait bien sûr mais, en exploitant astucieusement toutes les possibilités que son statut de "film super-héros familial" implique, "Shazam!" parvient sans difficulté à s'extirper de la masse super-héroïque pour proposer une aventure qui, si elle n'évite pas quelques passages obligés, a le mérite d'être unique en son genre par la thématique sur laquelle elle choisit de se concentrer...


La famille, il en est donc question en permanence dans "Shazam!". Principalement dans l'opposition de vision sur ce sujet entre le héros et son futur adversaire, Thaddeus Sivana, incarné par Mark Strong. Le film s'ouvre d'ailleurs avec ce dernier, un enfant sans cesse rabaissé par son père (John Glover, encore une fois géniteur d'un super-vilain chauve DC après "Smallville") et son grand frère. Sélectionné et éliminé de la course pour être le nouveau Shazam à cause de sa soif de démontrer par tous les moyens sa valeur à sa famille, l'enfant deviendra un homme blessé par cet ultime rejet et obsédé par le fait d'acquérir un pouvoir qu'il n'a eu le temps que d'entrevoir. Face à lui, avec quelques décennies en moins, Billy Batson, un adolescent égaré par sa mère dans sa jeunesse et qui, depuis, cherche désespérément à la retrouver. Ballotté entre de multiples familles d'accueil, le jeune garçon ne s'attache à aucune d'entre elles et préfère fuguer afin d'enquêter sur sa véritable génitrice. Un jour, alors que ses pistes de recherche se tarissent dangereusement, il est recueilli par une espèce de modèle de famille d'accueil du genre où vit déjà une petite fratrie d'enfants aux caractères bien trempés (mention évidente à la cadette toute choupinette mais les autres sont également très réussis). Ayant une nouvelle fois du mal à accorder sa confiance, Billy va néanmoins demander l'aide à un de ses nouveaux "frères", Freddy, fin connaisseur des super-héros, lorsque lui-même en devient un en se faisant "shazamiser" dans la caverne d'un vieux sorcier (oui, enfin, dit comme ça, c'est vrai que ça peut prêter à confusion)...
On ne s'étendra pas plus précisément sur l'intrigue mais celle-ci va bien sûr être un levier pour apprendre à Billy à se détacher du passé et envisager un futur heureux et à nouveau soudé dans un environnement familial. Si le message est presque connu d'avance, il n'en empruntera pas moins les meilleurs chemins pour le délivrer, allant même jusqu'à créer la surprise dans son dernier acte en utilisant un ressort habituellement réservé aux super-héros en fin de parcours dans les comics mais qui, ici, s'intégrera parfaitement au propos pour lui donner encore plus de force tout en ne dénaturant pas son personnage principal (chapeau bas sur ce coup !). Toutefois, on pourra regretter que, si le film continue à développer le thème de la famille autour de Billy et de ses petits camarades, il le laisse assez vite du côté de Thaddeus une fois les motivations du super-vilain exposées, Mark Strong en sera ainsi réduit à jouer la simple figure maléfique et dstructrice la majeure partie du temps avant de connaître heureusement un peu plus de profondeur sur ses "envies" en bout de course (encore une fois, quel dernier acte !).
À cela, s'ajoute évidemment toute la mythologie entourant le personnage de Shazam qui avait toutes les chances de paraître un brin ridicule sortie des cases de papier... Eh bien non, malgré son caractère vraiment extraordinaire, David F. Sandberg réussit à la faire vivre à l'écran et mieux à la rendre crédible ! Que cela soit du côté des origines divines ouvrant une richesse d'univers assez démente pour des futures suites ou de celui rappelant fortement "Big" par cet enfant se retrouvant subitement dans un corps d'adulte, tout fonctionne à merveille et, en ce sens, "Shazam" est bel et bien une des origin stories super-héroïques les plus habilement élaborées de ces dernières années.
Comme prévu, vu le postulat ubuesque, l'humour est bien sûr de la partie et lui aussi, à quelques lourdeurs près, fait bien plus mouche que bon nombre de représentants du genre. C'est ailleurs plus particulièrement là que le pivot scénaristique de la famille du film va déborder sur la case super-héroïque pour lui donner vraiment ce caractère de "film familial" (sans qu'aucun sous-entendu péjoratif y soit associé). En effet, au contraire de la majorité de la vague actuelle qui utilise souvent l'humour pour désamorcer la gravité de certaines situations, "Shazam!", lui, va faire sourire, voire même bien rire, sans qu'aucune once de cynisme ne vienne s'y annexer, en s'appuyant avant tout sur la vision naïve du super-héros. Alors que voir des surhommes déplacer des montagnes ou lancer des éclairs par les yeux est devenu aujourd'hui une banalité sur grand écran, le film nous rappelle tout simplement, notamment sur la phase d'apprentissage, l'émerveillement que peut procurer de tels actes à travers les yeux de ses personnages d'enfants. Évoluant en plus dans un monde où, tout comme le spectateur (enfin fictivement, hein !), les Batman et autre Superman sont monnaie courante, "Shazam!" fait office d'une savoureuse piqûre de rappel sur la perception même du super-héros avec l'attractivité et l'espoir enfantin qu'il peut susciter. Et, vu le ton humoristique et attachant avec lequel il nous délivre tout ça, comment y résister ?
Alors, oui, visuellement, "Shazam!" n'est peut-être pas le film de super-héros le plus fou qu'il soit, la bagarre entre les gratte-ciels fait notamment un peu pauvre à côté de l'impact de l'affrontement final ressenti dans le "Man of Steel" de Snyder dans un même contexte, mais il fait pourtant bien le job, surtout dans la manière d'installer sa mythologie et de la faire grandir sans cesse à l'écran. Et puis, toujours dans cette optique de naïveté retrouvée du genre qui l'habite constamment, il est impossible de nier sa générosité, ne serait-ce que déjà par la palette de super-pouvoirs de son héros mais aussi par le fait de chercher à toujours les mettre un peu plus en valeur dans le but de mieux les exploiter d'un point de vue cinématographique.
Enfin, dans le rôle principal, Zachary Levi est tout bonnement irrésistible, jouant tout à fait consciemment de sa tête de grand dadais adulescent, on ne peut que succomber à ses joutes verbales face à l'excellent petit Jack Dylan Grazer dans le rôle de son acolyte, les deux formant un duo aussi drôle qu'attachant.


Bref, si vous avez gardé votre âme d'enfant qui avait les yeux écarquillés devant ses comics, "Shazam!" est fait pour vous. Après ses multiples échecs, qui aurait cru que le DCU serait l'univers de super-héros capable d'en produire un nous rappelant ce pourquoi on les aime tant naïvement ? Alors que l'on savoure encore le spectacle auquel on vient d'assister pendant le générique de fin, une première scène post-générique vient nous rappeler que l'on n'a encore rien vu si on est tant un soit peu connaisseur de l'univers de "Shazam!" et, en se disant que le film mériterait bien de faire un meilleur score au box-office que son collègue "Aquaman" boursouflé de nanardises en tout genre, une deuxième vient nous délivrer la meilleure vanne qu'il soit à ce sujet.
Enfant ou adulte, on a tous envie de crier "Shazam!" en sortant du film, juste pour y croire encore un peu...

RedArrow
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le 3 avr. 2019

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RedArrow

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