Dieu merci j'ai un abonnement illimité au cinéma. Dieu merci je n'ai pas eu à débourser huit euros pour constater l'ampleur des dégâts. Dieu merci, Shazâne ne m'a rien coûté, hormis deux heures et 10 minutes de temps.


Je n'avais aucune attente, la bande-annonce m'avait déjà découragé. Mais tout de même, brillamment mis en lumière dans le jeu Injustice, le personnage de Shazam au cinéma, il ne fallait pas rater ça. Quitte à constater que lui, soit pour le coup raté. Hélas Nostradamus l'avait prédit et la prophétie s'est accomplie : Shazâne est l'un des pires films que j'ai eu à voir de ma vie. L'envelopper de ce doux surnom empêche mes yeux de se confronter à la dure réalité qui a été la mienne durant ces deux heures : affronter mes peurs dans le cadre d'un duel sans pitié contre les forces du cinéma le plus impur qu'Hollywood m'est offert.


C'est regrettable à dire, mais lorsque je suis sorti de la salle de cinéma pour Aquaman, je me suis dit "Damn, quelle daube, DC a définitivement perdu la bataille culturelle contre Marvel". Aujourd'hui, après avoir vu Shazâne, je me dis qu'à côté de la médiocrité l'homme poisson tourné au ridicule devient d'un coup plus vénérable. Alors que ce film demeure une gigantesque escroquerie.


Mais revenons-en à l'héritier des dieux, Shazâne. Par où commencer ? Le scénario ? Il ne va pas du tout. C'est la pauvreté intellectuelle incarnée d'un récit brouillon au possible : le comics a été brûlé puis ressuscité sur l'autel de la laideur. Comment est-ce possible d'extrapoler un scénario d'une heure et quart au grand maximum sur plus de deux heures ? Comment est-ce possible de supporter de fournir un travail aussi faible que celui d'une histoire entre les méchants qui sont méchants et les gentils qui sont gentils ? Il y a comme un air de famille avec Captain Marvel dont j'ai fait la critique ici. A l'exception faite que ce Shazâne n'est pas une déception, à laquelle on trouvera des bons côtés ; mais un total échec, qui ne jouira d'aucun replay à la maison.


Le gentil Billy Batson, le héros du film, qui n'a rien d'un héros, se retrouve tourmenté dans une querelle d'adolescents entre le bien et le mal, la famille et la solitude, la Triple Karmeliet et la Kronenbourg, le triple cheeze et Super Size Me. Bref, la cible du film est clairement la génération 200.......5 en proie au manichéisme le plus total. Hé oui, quatorze ans, c'est l'âge du protagoniste qui oscille entre moments de lucidité et moments de transe comme si DC s'assaisonnait à la sauce Deadpool. Or, ça ne prend pas. Le pigeon ne rivalise pas avec l'aigle ; Mélos n'a pas résisté à Athènes ; et DC n'a pas résisté à Marvel.


L'humour à outrance fera vomir le spectateur en quête d'un film exploitant de manière plus intelligente le personnage de Shazam. Les blagues s'enchaînent toutes les dix secondes sans qu'aucun moment un tantinet sérieux ne puisse vivre dans le film. Ce besoin de répondre aux râlements intrépides des adolescents est lassant. Je parle comme un jeune vieux con, mais si l'humour était travaillé, comme, je le recite, Deadpool, ou encore Les Gardiens de la galaxie, nous disons oui. Mais quand c'est une succession de Vendredi tout est permis avec Arthur, nous disons non. "Pollution, je dis non ; mais à la vie, je dis oui" (Je vous offre sur Lille une pinte et un pin's à mon effigie si vous avez la référence. Sinon, juste un aller-retour sur google).


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De même, les personnages ne tiennent pas la route. Si le protagoniste principal est joué par deux acteurs, l'un faisant le jeune imbécile et l'autre l'imbécile mais en plus vieux, les deux se rejoignent sur un point : un jeu d'acteur si faible qu'on en vient à se demander qui mérite vraiment le rôle de personnage principal. Le jeune boiteux, victime de tous les clichés possibles et même d'une tentative de meurtre mais tout se passe bien aux Etats-Unis, qui surjoue absolument toutes ses tirades ; le père noël qui hurle les 20 dernières minutes du film ; ou la ribambelle de bouseux survenant à la fin ?


Même le méchant, incarné par Mark Strong, n'a rien de strong du tout. Un pauvre cliché qui se rend compte lui-même à quel point son rôle est ringard. Il a pour seuls amis les sept péchés capitaux qui sont représentés par sept vers de terre qu'on a envie d'accrocher à un appât. On tombe au dernier niveau de l'enfer de Dante avec ce "villain", qui n'a de "villain" que son visage. Sans déconner, le coup de l'œil, c'est vraiment digne d'un vieux polar allemand. J'aurais préféré me refaire toute une saison d'Alerte Cobra plutôt que d'assister à la montée puis à la chute de ce méchant. En effet, il a autant de charisme que Lupin jouant un Arès (moustachu), dieu grec de la guerre offensive, dans Wonder Woman. What the fuck.


Passons sur le fond, qui pour le coup est au fond du fond, et intéressons-nous à la forme. Hugo disait qu'elle est le fond qui remonte à la surface. Et bien je dirai que Shazâne est l'impur qui remonte la cuvette. Car oui, esthétiquement, l'amour du kitsch est au rendez-vous. Je ne savais pas que les commodités turcs étaient producteurs de films à Hollywood. Vous vous souvenez certainement de la célèbre moustache de Superman retirée grâce aux CGI dans Justice League. Et bien imaginez-vous cet effroi visuel sur environ deux heures, à chaque fois que les partenaires du grand méchant loup du film surviennent. Serions-nous dans les années 90 ? Matrix est toujours mieux, 20 ans plus tard. Ce qui est en soi un succès pour la trilogie ; mais une lourde défaite pour Shazâne.


Comme si mal copier la sauce Deadpool en vomissant de l'humour mal travaillé était insuffisant, il faut également que le film essaye de surfer sur le buzz de Bohemian Raphsody en ajoutant au film un morceau du groupe Queen, et pas n'importe lequel. Je vous laisse le suspens, mais la scène est ratée. Toutes les scènes sont ratées. Une seule m'a fait frissonner, soit 20 secondes du film :
"""
la transformation en Shazam en plein saut d'un immeuble de Philadelphie. Pour le coup, cette scène est superbe.


Hélas, cette seule scène ne saurait rattraper les erreurs immenses du film sur d'autres points plus scandaleux motivant la crise de nerf d'un type ravagé derrière son écran : les clichés, toujours et encore. A titre d'exemple :



  • Le seul asiatique du film est évidemment un petit génie de l'informatique qui pirate les données de l'Etat ;

  • Billy Batson traverse le monde des enfants placés sans le moindre problème, dans le luxe le plus immense : les familles se l'arrachent et à chaque fois il a accès à de superbes maisons puant l'amour et l'hypocrisie américaine ;

  • un jeune en surpoids devient d'un coût ultra musclé grâce au Shazam et rentre ainsi dans les standards du cinéma ;

  • La campagne anti-alcool pousse des ados de 15 ans à vomir de la bière.


Oui, tout ça dans le même film, teinté d'humour mal fait et enveloppé dans une coquille finalement aussi fragile que vide. Bref, il n'y a rien à garder de ce film. Pas même la bande originale. En effet, la musique manque. Malgré quelques passages, les dialogues sont trop souvent à blanc si bien qu'on pourrait presque croire à de la réalisation amateur. C'est à se demander si DC ne se serait pas entendu sur le niveau de ses films dans le cadre d'un match truqué contre Marvel.


Toutes choses égales par ailleurs, le comparatif n'est même plus possible. Même si le duel entre les deux géants a semblé difficile à établir au premier abord, au regard des univers assez différents et de la manière dont ils ont été traités, il est finalement apparu évident que la guerre des comics s'était déportée sur grand écran.


Mais aujourd'hui, celle-ci n'a hélas plus d'intérêt. L'abandon de l'un a sonné le triomphe de l'autre. Entre Wonder Woman, Aquaman ou Justice League, DC est avec Shazâne cohérent sur au moins un point : la profonde nullité de ses nouveaux films. Heureusement, seules trois semaines nous séparent maintenant d'Avengers Endgame.

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le 5 avr. 2019

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