Tout au long de « Shéhérazade », nous sommes malmenés et secoués comme si l’on tentait d’échapper à la police, à l’arrière d’un scooter volé, sur un chemin de terre et en roue arrière !
Pour son premier film, Jean-Bernard Marlin s'est imprégné de la réalité de la vie d'adolescentes et de jeunes adultes prostitués à Marseille. Avec une volonté tenace d’être au plus près de la vérité des conditions de vie, du franc parler, de la gestuelle… C’est d’ailleurs pour cela qu’il a pris le risque de ne choisir que des acteurs non-professionnels vivant dans la cité Phocéenne et ayant déjà eu maille à partir avec la justice ou vivant dans des quartiers défavorisés. Ces ados n’ont rien à envier à bien des acteurs, ils sont toujours justes et toujours très évocateurs et même charismatiques ! Leurs visages portent déjà le poids de leur passé alors qu’ils sont tout juste majeurs. Leurs gouailles typiquement Marseillaise font mouche à tous les coups, et les coups, qu’ils soient fourrés, portés hauts et forts ou sournois, ça n’est pas ça qui manque !
Leur naturel consolide l’assise réelle du film qui s’apparente à un documentaire naturaliste, renforcé pas une caméra au poing qui alterne les plans rapprochés (intimité) et les plans larges (dans la rue, comme si l’on était en planque pour surveiller les agissements des protagonistes).
Cela reste un film, avec un sens esthétique notamment au niveau du travail sur les couleurs qui sont très saturées, toujours chaudes, comme pour renforcer l’impression de cagnard du Sud.
A la fois frontal et pudique, le trait n’est jamais forcé, la tension est viscérale, le jeu d’acteur est animal et énergique, c’est d’une justesse rare dans le genre.
Aussi improbable que fort, l’amour peut éclore même dans les pires quartiers, dans les pires conditions de vie, là où rien de bon n’est censé pousser.
Le romantisme version 2018 !