Il était une fois, un jeune voleur un peu perdu, jusqu’au jour où il rencontra la princesse de l’histoire et où tout a commencé à changer. On pourrait croire que c'est ce que le film entend raconter, mais si le fond de l'histoire est vrai, rien n'est aussi idyllique que chez Disney.


Shéhérazade, voilà pourtant un titre qui invite au voyage, mais avec toujours cette menace qui plane au dessus de la tête de la conteuse: celle de mourir dès qu’on se lassera de son récit.
A cet égard, le film de Jean-Bernard Marlin porte bien son titre: son intrigue va se jouer sur le fil du rasoir, avec l’impression permanente que nos héros peuvent en un éclair s’en sortir ou se noyer.
Shéhérazade, voilà un nom ensorceleur qu’on peine d’abord à associer à ce qu’on découvre: une prison d’où sort le jeune Zac et sa mèche aussi rebelle que son âme. A peine dehors, il cherche à se remettre à flots.
C’est lui qu’on suit pendant tout le film, et même si on sait que sa rencontre avec Shéhérazade devrait changer les choses, on est bien loin du registre de la fable.
La princesse est une prostituée, et son héraut deviendra son mac.


C’est sordide, c’est âpre, et pourtant les jeunes acteurs dégagent quelque chose de lumineux: au milieu d’un langage fleuri d’accent marseillais des cités, de répliques crues, il faut deviner dans les non dits ou les mal dits, l’attachement, la colère, la maladresse, les sentiments.
Le réalisateur ne semble pas chercher à délivrer de message - il l’avoue lui-même -, il ne veut pas diaboliser ou idéaliser les situations, il les utilise pour créer le parcours de deux personnes.


Les acteurs amateurs sont très bons et contribuent grandement au plaisir qu’on éprouve à suivre leurs aventures: c’est parce qu’ils sont si vrais qu’on n’a pas l’impression d’être devant une belle vitrine. Ils incarnent de vrais personnages et on aime penser qu’ils existaient avant qu’on les côtoie.


D’ailleurs même quand il s’achève le film n’a pas tout dit: on peut encore imaginer une suite à l’histoire, se dire que oui on a vu plus de lueurs que d’orages à l’horizon, ou au contraire penser qu’on est parti pendant l’accalmie, et qu’il pleuvra à nouveau par la suite, et beaucoup.


On quitte les quartiers marseillais avec le sentiment d’avoir vécu une histoire aussi dure que jolie, sans concession mais avec une dose d’humanité suffisante pour se dire que rien n’est jamais noir ou blanc mais qu’il y a beaucoup de nuances de gris (aucun lien avec une saga bien connue pour son manque de réalisme).

iori
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le 2 sept. 2018

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