Continuant inlassablement à révolutionner chacun des genres cinématographique, Stanley Kubrick se heurta sur le genre de l’horreur. A mes yeux, il s’agit là d’un des genres cinématographiques les plus passionnants à analyser. Voir comment, simplement par la mise en scène, le réalisateur arrive à créer une tension palpable nous poussant dans nos derniers retranchements, ça me fascine.
A une époque où le slasher était en pleine émergence, Kubrick s’attaqua au genre, tel un lion féroce, pour montrer à tout le monde qui est le chef. C’est en adaptant « Shining » de Stephen King, qu’il montra au monde entier que c’est lui, le chef.
Du coup, quand j’avais décidé de m’attaquer à Shining, et comme je préfère regarder le matériau d’origine, j’avais d’abord lu le livre. Sanglant, violent, mais absolument génial. Comme je le dis concernant tous les livres de King, ses histoires sont remplies d’intrigues permettant un crescendo dans l’horreur, le genre de truc quasi-impossible à faire avec un film ne durant que deux heures.
Du coup, comme Kubrick est le chef, il fait tout l’inverse. Au lieu de parsemer son récit d’innombrables sous-intrigues qui auraient rendus le film long et chiant, il préfère prendre le strict minimum du livre, et de faire le reste à sa façon. Et quand Kubrick fait quelque chose, il ne le fait pas à moitié. On le sait tous, Kubrick est un acharné. Il est capable de retourner le même plan cent fois pour avoir le cadre parfait, l’interprétation parfaite des acteurs, bref, la perfection (tu m’étonne qu’il sortait qu’un film par décennie à la fin). Son Shining est donc à l’image de chacun de ses films, travaillé, et à l’image de ce que le réalisateur avait en tête.
La première fois que j’avais vu le film (quelques jours après le livre), c’était le choc. C’était mon premier Kubrick, et j’étais tout simplement pas préparé à ça. Moi qui m’attendais à quelque chose de sanglant, je m’étais retrouvé face à quelque chose qui prenait de l’ampleur sans que je m’en rende compte. L’objectif de Kubrick était simple, nous faire ressentir un sentiment de renfermement, comme si nous étions nous même dans l’Overlook Hotel. Cela se jouait particulièrement sur le cadrage. Et c’est probablement là où le film réussit le plus. Tout est droit. Les murs sont droits, les traits sont droits, peu de plongée et de contre-plongée (ou alors c’est sur-contre-plongée comme celui où Nicholson est enfermé dans la réserve). Dans cette ligne éternelle présente même jusque dans les couloirs, Kubrick nous fait vivre l’horreur.
Un père de famille complètement taré, un hôtel sans aucune loi, où des ascenseurs dégoulinent de sang. C’était les ingrédients du livre de Stephen King, quasiment les mêmes que ceux du film. Et pourtant, difficile de croire qu’il s’agit là d’une adaptation, tant le film ne reflète aucunement l’idée du livre. C’est du Kubrick à l’état pur, comme on aime (ou pas). Ce qui me sidère, c’est que dans son mécontentement de ne pas avoir une adaptation cinématographique fidèle à son livre, King a dit haut et fort que le film était mauvais, indigne de son livre, et pas terrifiant du tout. Au point d’avoir produit un téléfilm de 4h pour avoir quelque chose de fidèle (mais terriblement long et chiant). Autant le dire tout de suite, les livres de King ne m’ont jamais fait peur. J’adore ses livres, mais parce que je les trouve épique, biens écrits, biens construits mais aucunement effrayants. A l’inverse, l’œuvre de Kubrick est tellement étrange et difficilement cernable, que même au bout de quatre visionnages, je reste perplexe concernant certains éléments du film (me parlez de 2001 : L’Odyssée de l’Espace).
Shining est troublant, et c’est en cela qu’il est virtuose. Car chacune des scènes révèle de l’ingéniosité dans la construction des plans, car je compte pas moins d’une dizaine de scènes cultes, et que même après quatre visionnage, je suis fasciné par l’interprétation de Jack Nicholson qui n’aura jamais été aussi sidérant que dans ce film. Shining de Kubrick n’était peut-être pas l’adaptation que l’on voulait, mais Kubrick nous a donné bien plus que ça, un chef d’œuvre.

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le 9 déc. 2016

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James-Betaman

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