Des territoires plein de vie, plein de haine

Un bon film qui s'ouvre par cette phrase " je ne peux pas respirer ", le rappel d'un homme d'ici et d'ailleurs, aux conséquences parfois identiques, par des méthodes qui nous interpellent, quand le monde n'entend plus que le silence de son souffle. Épuisé d'avoir tant résisté, tant couru, le désespoir d'une révolte. Assiégée par toutes ces silhouettes blanches, qu'il ne distingue plus, qu'on étouffe, pour tomber dans le noir. Un innocent où peut-être un coupable, qui sait, mais face à se refus des autorités, c'est un destin qu'on éteint.

Shorta nous parle de tous cela. De ces comportements, de cette police, de ces jeunes, dans cette île apparemment heureuse qu'est le Danemark. Mais où tous les quartiers semblent se ressembler, aux mêmes peintures urbaines, avec toute ces questions qui caractérise nos sociétés contemporaine, qui déstabilisent par des comportements, des modes de vie parfois différents.

C'est dans une mise en scène d'une maîtrise surprenante que ces deux réalisateurs, accompagnés de ces deux excellents acteurs, qui interprètent deux policiers. L'un prénommé Mike ( Jacob Lohmann ) colérique, violent et raciste, l'autre Jens ( Simon Sears ) calme, réfléchi, et respectueux, qui pénètrent cette banlieue, une zone qui semble ne plus être le Danemark. La vision d'une patrouille, où les certitudes de chacun sont remises en cause. Le ressenti sur l'étranger qui ne sait jamais intégré, qu'il faut briser, pour retrouver ces territoires perdus. La composition d'un tableau, avec toutes ces complexités, une mosaïque de visage, aux nuances de couleur, un voyage venus d'ailleurs, qui compose ce pays, et ces tristes trafics en tout genre que ces deux cœurs endurcis vont découvrir de l'intérieur, maintenant qu'il faut courir à leurs tour. Que le chasseur se voit traqué, épuisé, et qu'il faut fuir ce ciel hostile, qui les fixe de ses yeux remplis de haine. Pourchassés à présent qu'ils s'enfoncent dans les profondeurs d'un territoires ennemi, aux portes qui claquent derrière eux, pour mieux les abandonner à leurs sort. Une soif de justice enfin. Des étrangers qui ne sont pas les bienvenus, où chaque provocation de violence aveugle ne crée qu'une perte d'équilibre dans chaque société. Qui ne fait ressortir que le côté animal de chacun. Ce n'est que lorsque la porte s'entrouvre, que la lumière s'échappe, qu'ils découvrent que leurs vies ne semblent pas si différentes. Que les passions sont communes, que les photos ont toujours un souvenir personnel, celle qui rapproche, tous ces petits détails, sans importances, sont des expériences qu'ils partagent. Qu'elles soient sportives, culturelles, ou dramatiques, elles relient ces deux mondes, afin de faire oublier ces champs de bataille. Où chaque carrefour peut-être le dernier. Une lueur d'humanité dans un regard de feu, cette guérilla urbaine, devenu la conséquence d'un abandon de ces quartiers.

Une situation qui n'a jamais trouvé de véritable solution. Un film qui n'offre pas de réelle réponse, ni de position claire, mais un constat, tout en restant réaliste. Ce ne sont ni de bons, ni de mauvais flics, mais juste le quotidien d'une patrouille, aux milieux de toutes ces tensions sociales croissantes, et l'opportunité pour chacun de changer sa perception sur le monde qui nous entoure. De ses grands ensembles qu'on abandonne un jour, pour les retrouver des années plus tard, et découvrir une nature qu'on dit sauvage. Où tout se tend, se mêle, et se confond, le ciel comme le vent, une architecture où les plans sont devenus gris. Des paysages lointains, qui se réveillent parfois, quand la chaleur du soleil froid scandinave n'offre plus d'avenir, où de justice à chacun. C'est alors une ville qui brûle, mais qui laisse apercevoir au loin malgré tout, sur ces vastes terrains, de jolies fleurs qui poussent, celle qui font un pays, celle d'un espoir qui tente de rassembler.

Rolex53
7
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le 8 janv. 2024

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48 j'aime

John Rolex

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