Jeff Nichols tourne son premier long à 29 ans, dans son Arkansas natale. Il raconte les conflits dans une fratrie après l'enterrement du père, qui a vieilli loin d'eux. Les parti-pris formels sont profonds : Shotgun Stories est épuré, minimaliste en terme d'action, le rythme est très lent, la Nature est quasiment de chaque plan (plans enchanteurs et apaisants de l'Amérique rurale).
Les conflits et les mots empoisonnés sont refoulés, jusqu'à explosion. L'oubli de soi semble constitutif : sans ces fixations et ces ressentiments, tous ces individus s'effondreraient peut-être, soit sur leurs tâches soit sur une vie intérieur inerte mais sereine. Shotgun est appliqué, sûrement riche et subtil dans les détails, mais ce défilé aussi vain que le sont les agitations vengeresses. La volonté de démolir cet élan de haine s'accorde bien aux refoulements des trois frères, mais elle achève aussi sa course en prêtant main forte à cette chape d'apathie – pas une simple passivité, carrément l'apathie.
Une morale négative et une tendresse résignée ont tendance à empêcher les grands décollages : cumulées c'est redoutable ; un crash avant la naissance. Le réalisateur dit s'être inspiré d'écrivains du Sud ; pour le cinéphile, l'influence évidente est celle de Malick (Les Moissons du Ciel, La Balade Sauvage). Michael Shannon sera à nouveau en tête d'affiche pour Take Shelter, puis Nichols poursuivra avec Mud et Midnight Special.
https://zogarok.wordpress.com/2016/06/17/shotgun-stories/