Je ne suis pas un fan de ce Nichols. Malgré tout, j'ai envie de persévérer. Ce premier film, j'espérais y voir quelque chose de plus brut qui se serait perdu dans les film suivants, j'espérais que ce soit LE film de cet auteur celui qui ferait chavirer mon cœur, qui le ferait jouir au travers de ses artères. Hélas, ça n'est pas arrivé.


J'aime bien les histoires minimalistes tant que ça raconte quelque chose. Ici, on a bien une histoire, mais ça démarre trèèès trèèèèès lentement. Sans que rien ne soit enrichi. De plus, l'intrigue consiste en une montée sans surprise de la violence, un crescendo trop attendu et manquant furieusement d'originalité. Quant aux personnages ils sont faiblement écrits : en gros ce sont tous des moules avec des cheveux plus ou moins longs. L'évolution des personnages est bien trop faciles à la fin. J'ai même trouvé la scène où l'un des 'gentils' annonce son retrait de la bataille fort ridicule.


L'autre point gênant, c'est le côté social. En ce moment je regarde "Le bistrot de l'horreur", émission sympathique durant laquelle un des intervenants a dit : les meilleurs films sociaux sont ceux qui le sont indirectement. Par exemple un film qui est avant tout un film d'horreur pourra révéler une critique sociale intéressante. Je suis d'accord avec cette phrase. En effet, traiter de la société au travers d'un genre qui n'a rien à voir, ça permet de ne pas se focaliser uniquement sur le message social. Ici on est dans l'exemple même où l'auteur patine autour autour de son grand discours... et on s'emmerde d'une profondeur rarement atteinte. Cela m'a un peu fait penser à "Cleks" ou "Slackers", ces films sur une jeunesse en perdition dans un monde sans avenir. Sauf que ces films sont bons parce qu'ils sont drôles. Ici, ce n'est jamais drôle, l'auteur rappelle constamment combien leur vie est misérable. Et quand il se détache de la mélancolie c'est pour dresser un portrait noble : qu'ils sont beaux mes rednecks !


La mise en scène est posée. Les cadrages ne sont pas particulièrement bien composés, le réalisateur se contente d'avoir les personnages sur les lignes de force, sans plus. Difficile donc de jouir de la beauté du cadre (même si ça consiste surtout en des habitats précaires, mais ce n'est pas grave, ce peut être beau aussi). Le découpage est minimaliste. Ça marche sauf quand le réalisateur impose trop son style lent sans rien donner en échange. Des personnages qui attendent quelques secondes avant de se répondre ça peut vite devenir lassant. Encore plus quand ils ne se disent rien. Et encore encore plus quand le réalisateur termine ce genre de scène avec un fondu au noir. Le fondu au noir, la plupart du temps, c'est quand le monteur n'a pas trouvé d'autre moyen pour passer à une autre scène : c'est la transition du pauvre. parfois c'est bien utilisé, amis la plupart du temps, ça a pour effet de sortir le spectateur du rythme, de tuer le rythme. Il y avait déjà si peu de rythme, c'est quand même dommage de le flinguer de la sorte (en même temps, il fallait bien flinguer quelque chose dans ce film). Mais le pire du pire, vous savez c'est quoi ? C'est cette musique tristounette que le réalisateur répète avec beaucoup de plaisir, histoire d'enfoncer le clou si profond qu'on se demande si on ne serait pas dans le trou du cul d'un nègre.


Les acteurs vont du moyen au mauvais. Dans un film plus bancal, plus brut à al "Slackers", j'aurais apprécié le mauvais jeu de certains. Mais ici, tout est tellement sérieux et scolaire (car je n'ai pas ressenti cette mise en scène naturaliste comme spontanée et brute) que ça ne passe pas. Il y a un ton dans le film qui aurait demandé des acteurs plus compétents, plus doués. J'aime bien Michael Shanon même s'il joue souvent de la même manière (surtout chez Nichols). Les rednecks ont de belles tronches, mais j'attendais plus de coupes ringardes, genre un bon vieux mulets comme il les aime tant là-bas (ha mais non, ce film n'est pas censé fournir des arguments pour s'en moquer mais plutôt pour les voir beaux, nobles, vaillants).


Bref, "Shotgun Stories" ne raconte pas grand chose et il le raconte mal ; en plus ça manque vraiment de la subtilité nécessaire pour en faire une oeuvre intense, profonde, forte, mélancolique comme le réalisateur l'aurait souhaité. Quel dommage, le titre était assez chouette, le pitch aussi.

Fatpooper
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le 25 juin 2016

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