Teddy le Héros contre Laeddys le Meurtrier

Je vais spoiler, je suis obligé... Ne lisez surtout pas cette critique si vous n'avez pas vu ce chef-d'oeuvre !!!


Le Pitch
En 1954, deux Marshall sont en route (ou plutôt en mer) pour l'île de Shutter Island, véritable nid de folie au large de Boston pour enquêter sur la disparition d'une des patientes de "Ashecliff". Il s'agit d'un institut psychiatrique de haute sécurité, symbiose parfaite entre hôpital et prison. Le personnel semble peu enclin à aider Teddy et Chuck à retrouver la patiente "Rachel Solando", personne ne semble coopérer face à cette étrange affaire…


Les éléments essentiels
Le spectateur, crédule, pense que la raison de la venue de Teddy (le héros) sur l’île est l’enquête sur la disparition mais elle est toute autre ! En réalité, Teddy Daniels a saisi cette opportunité de venir sur Shutter Island pour plusieurs raisons. Tout d'abord il y a de fortes chances pour qu'il y trouve Andrew Laeddis (le pyromane responsable de la mort de sa femme). Mais surtout, il pense que l'institut psychiatrique pratique des expériences inhumaines sur ses patients afin de former des « super soldats » ne ressentant plus rien, des "fantômes" maléables en vue de la guerre froide contre l'URSS. Il est persuadé d'avoir affaire à un complot d'échelle nationale. Concernant Chuck Aule, son coéquipier, on ne sait pas grand-chose sur lui ni sur ses motivations.


L'eau, élément essentiel à toute vie mais qui peut pourtant être mortelle, Teddy en a fait les frais... Il n'aime pas l'eau et son cerveau non plus, à tel point qu'être en mer lui cause nausées et vomissements et que son cerveau aura tendance à voir le verre vide plutôt que le verre plein. Son aversion est ultime. Paradoxalement l'institut Ashecliff se situe sur une île. Teddy est piégé, il devra faire face à cette dure réalité...


Le cerveau de Teddy est embrumé, flouté tout au long du film... par l'épais brouillard qui règne autour de l'île, par la fumée de ses cigarettes mais aussi et surtout par le trouble qui règne dans sa vie ! Il est perdu. Souvent pris d'hallucinations, de nausées ou de cauchemars ambulatoires, notre héros deviendra de plus en plus paranoïaque vis à vis du personnel de l'institut (par lequel il pense être drogué). Le point d'orgue de cette paranoïa sera atteint dans une grotte, lorsqu'il rencontrera "la vraie Rachel Solando" qui n'est autre qu'un mécanisme de défense ultime provenant de son subconscient afin de se persuader que son histoire est réelle et qu’il est un bon Marshal, un héros souhaitant mettre fin à des expériences interdites.


Ces hallucinations répétées semblent s'éclaircir au fûr et à mesure de l’intrigue, Teddy semble prendre conscience indirectement que l'histoire de Rachel Solando lui est étrangement familière... En effet, Teddy est hanté régulièrement par une petite fille qui lui dit qu’il aurait dû la sauver. Plus tard dans le film, cette fille tend la main et attrape celle de la femme de Teddy : son cerveau recolle petit à petit les morceaux, le dénouement est proche...


Le dénouement (Loi des 4 / Qui est le 67 ?)
Notre héros se nomme en réalité Andrew Laeddis, il buvait régulièrement dans le temps et était souvent absent de son domicile familial. Sa femme, Dolorès Chanal, psychologiquement instable, a un jour incendié leur appartement. Suite à cela, le couple a emménagé dans une petite maison de campagne près d’un lac (on peut supposer que le fait de se rapprocher d’un point d’eau vient du traumatisme de l’incendie). Mais cela n’a pas suffi à Dolorès qui, prise d’un excès de folie, a noyé leurs enfants dans ce lac derrière chez eux. Complètement anéanti par cela, Andrew a tué sa femme d’une balle de revolver dans le ventre. A cause de ce traumatisme et de sa culpabilité, Andrew s’est créée une histoire alternative avec des anagrammes de son propre nom et de celui de sa femme (Andrew Laeddis est devenu Teddy Daniels, Dolorès Chanal est devenue Rachel Solando) dans laquelle il ne serait plus le meurtrier mais le héros, parvenant à mettre fin à un complot de grande ampleur ! Il s’est donc retrouvé à Ashecliff dans le but d’être traité et surtout de prendre conscience de la dure réalité des faits. Andrew Laeddis est donc le fameux 67ème patient de Ashecliff, le plus dangereux de tous…


La vérité est symbolisée par un pansement sur le front de Andrew durant tout le film, c'est une blessure cachée. Lors des dernières scènes ce pansement disparait... Andrew a pris conscience de de ce qu'il a fait et sa blessure devient visible à l'écran. Ce jeu de rôle gigantesque spécialement conçu pour lui et faisant intervenir de nombreux protagonistes (gardiens, aides-soignants, psychiatres) n'aura pas suffi à sauver Andrew d'une lobotomie... Cependant, son âme parait sauvée avec la dernière phrase du film : il préfère se faire lobotomiser et mourir en tant que "Teddy le héros" plutôt que de vivre en tant que "Laeddis le meurtrier"...


Mon avis personnel
Shutter Island fait partie des films qui vous laisse une trace à jamais, peu importe que vous l'ayez aimé ou pas. Leonardo di Caprio est vraiment époustouflant en malade psychiatrique, les personnages secondaires sont également interprétés par de fabuleux acteurs qui savent créer un vrai background à leur personnage. De plus, les musiques sont parfaites, tantôt oppressantes, tantôt tragiques, elles parviennent à instaurer des situations relativement glauques et sombres. Enfin, l'atmosphère et l'ambiance du film sont, selon moi, les vrais points forts de ce métrage, chaque plan est sublimé, chaque musique coïncide parfaitement avec l'action que l'on voit. Bref, Shutter Island est pour moi l'un des meilleurs films de l'immense Scorsese, alternant thriller psychologique et drame. Un vrai bijou de cinéma !

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le 21 juin 2019

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Pig_Floyd

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