Si tu tends l'oreille
7.3
Si tu tends l'oreille

Long-métrage d'animation de Yoshifumi Kondo (1995)

Totoro et compagnie : ♪ Country Road, Take me Home ♫

Ambiance sonore !


Il existe réalisateurs ou des films comparables à des pierres non polis dont on regrette qu’il n’ait pas pu atteindre leur éclat le plus total, ou qu’il n’ait pas pu nous éblouir davantage car trop éphémère pour être remarqué par tous. C’est le cas de Yoshifumi Kondo, un membre de l’équipe présent depuis le troisième film de la compagnie et qui étant un des premiers pressenti pour succéder à Hayao Miyazaki au sein du studio alors qu’il est finalement aussi anecdotique qu’un Morita ou un Goro Miyazaki. Hayao Miyazaki a beau signer le scénario et avoir participé grandement aux story-boards, Yoshifumi Kondo reste tout de même le premier impliqué sur cette adaptation du Shojo d’Aoi Hiiragi et surtout c’est une œuvre que j’ai profondément envie de mettre bien plus en avant de la scène que les principaux mentionnés que sont Princesse Mononoké, Le château dans le ciel, Le voyage de Chihiro ou encore Le Tombeau des Lucioles.


Car avant tout, Si tu tends l’oreille est un film qui ne se contente pas d’avoir une âme, mais il fait vivre le quotidien qu’il transpose en animation avec un naturel et une authenticité qui, j’en suis persuadé, devrait parler à beaucoup de gens étant passé ou passant à l’adolescence. Et qui m’a personnellement beaucoup parlé, car c’est une période qu’on connait tous et qui a un impact important sur notre vie. Certains citeront leur premier amour, d’autres les passe temps de cette période de vie (l’écriture d’une fiction auquel on tient), leurs études, ou encore l’avenir qui est abordé par beaucoup de jeunes étudiants à ce moment de leur vie.


Kondo et Miyazaki assistent beaucoup sur un grand nombre de détail parfois très discret pour s’approprier le réalisme des rapports entre ces jeunes gens et leur famille comme leur rapport à l’avenir et leur orientation avec un sens du dosage dans l’écriture longuement pensé. Un détail de comportement comme un texte gentiment moqueur d'une chanson ou une scène d'étude avec un casque sur la tête pour les plus simples et discrets, jusqu'au sentiment de déception et la prise de conscience lorsqu'on s'essai à un art qui nous tient à cœur (la littérature comme l’artisanat), la crise d'adolescence qui semble se manifester, tout un tas de thématiques abordés en moins de deux heures sachant fonctionner avec une bonne mesure à chaque scène.


Et pour mieux exprimer ça, son héroïne est ce qu’il y a de meilleur à mettre en avant. Shizuku Tsukishima (doublée par l'excellente Kelly Marot), tantôt complice avec une amie et tantôt râleuse quand on lui impose les corvées quotidienne, tantôt impulsive et embarrassée suite à une moquerie mal prise et tantôt curieuse et fascinée une fois qu’elle se retrouve dans un univers qui est sien, et aussi passionnée quand elle se donne corps et âme dans ce qui lui tient à cœur bien qu’ayant jamais pensé à son avenir. A l’inverse de Seiji Amasawa, jeune luthier en herbe qui a déjà prit son avenir en main et principal moteur émotionnel de Shizuku à bien des niveaux et dont la relation marche de la manière la plus naturelle du monde (de leur premier échange moqueuse en passant par leur premier véritable dialogue, comme un cours d’eau suivant paisiblement son chemin sur le fleuve).


Shizuku n’est jamais montrée comme parfaite mais elle a des réactions ordinaire que chacun de nous pourrait parfaitement avoir (ou on déjà eu en l’occurrence), elle n’en devient ni niaise ou nunuche ni détestable à aucun moment, et se rapproche le mieux d’une collégienne ordinaire qu’on pourrait très bien avoir en France comme au Japon ou ailleurs.


On arrive sans mal à se poser et à suivre ses dilemmes en se plaçant dans sa peau, tout en découvrant l’entourage de Shizuku par ses yeux (du vieux marchand d’antiquité Nishi à sa famille en passant par sa meilleure amie) et sa passion contagieuse pour l’imaginaire. Dont les séquences issues du roman de la jeune demoiselle sont somptueusement mises en image via l’inspiration de l’univers d’Iblard imaginé par le peintre Naohisa Inoue qui a supervisé les décors lors des scènes fantasmés de Shizuku. Quant aux séquences réelles, l’approche visuelle est plus terre à terre et simple de la part de Kondo mais ne démord pas d’atmosphère (notons aussi une des très rares clins d’œil à un autre film Ghibli, la pendule de la boutique d’Antiquité étant de la marque Porco Rosso).


A ce titre la bande-sonore de Yūji Nomi trouve également une place prépondérante à chaque instant, que ça soit dans ses reprises variés de Country Road allant du comique (Concrete Road, ou La Route de Béton en français qui claque moins… dommage parce que le reste de la VF est excellente comme toujours) à quelque chose de plus intense qui prend du sens avec le développement de la jeune étudiante.


Donc voilà : si il y a des films pour lesquels j’ai envie de débattre afin qu’on leur donne un rang plus méritoire, celui-ci en fait très nettement parti. Les œuvres qui nous touchent ou nous affectent le plus sont très souvent ceux ou l’on arrive à se projeter et à se donner une place quand on regarde leur histoire défiler sous nos yeux, c’est mon cas ici.
On en oublie leurs rarissimes imperfections


(la déclaration un tantinet niaise à la dernière scène)


et on passe un moment aussi agréable, court mais mémorable que celle de Shizuku et Seiji chantant et jouant une reprise de Country Road de John Denver. C’est simple, si je dois citer une seule séquence du film qui explique pourquoi il est au podium de mes Ghibli préférés, celui-là me vient immédiatement en tête.


Ça part d’une idée simple mais ça l’aborde sous plusieurs bords en sachant ou mener sa barque, l’ambition et la promesse d’établir une tranche de vie sans sombrer dans un académisme pataud ou stérile est pleinement accomplie, avec ses moments de rire comme les moments plus important notamment l’enseignement tiré par Shizuku sur sa quête de maturité.
En tout cas, même si le film qui le suit n’a aucun démérite en soit et possède une popularité plus mondialisé (je parlerais de Princesse Mononoké prochainement, promis juré), j’estime quand même que Si tu tends l’oreille mérite plus de reconnaissance dans le long parcours des studios Ghibli et d’être vu comme une œuvre majeure au sein de la compagnie au gros monstre pelucheux.


D’ailleurs, en parlant d’autoréférence Ghibli et d’animal à poil, nous allons en reparler très vite.

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8

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