Si tu tends l'oreille
7.3
Si tu tends l'oreille

Long-métrage d'animation de Yoshifumi Kondo (1995)

Attention, chef-d'oeuvre méconnu ! "Si tu tends l'oreille" est une petite merveille de film, doux et chaud comme un cocon, mais aussi tellement plus riche qu'il peut le paraitre. Tranche de vie exemplaire, il en ressort une remarquable justesse qui se dévoile tout le long des presque deux heures de film. Cette justesse, et la sensibilité qui en découle, en auraient fait un sérieux successeur aux oeuvres de Miyazaki et Takahata... si le destin n'en aurait pas décidé autrement.


Pour une raison commerciale, les affiches du film le présentent comme une aventure fantastique à la Miyazaki. Ce parti-pris est dommageable, déjà parce que ce n'est pas la première fois que le studio Ghibli propose des films plus réalistes, ensuite parce que les séquences fantastiques ne durent que deux minutes dans tout le film ! Si vous voulez découvrir ce film, faites donc fî de ces images, vous n'en serez que plus apte à vous y plonger. Car ce qui a permis au film d'obtenir une très bonne place au box-office japonais, ce qui lui a permis d'accéder au succes, c'est bien son histoire touchante et universelle et sa sensibilité, et non pas ses scènes fantastiques très limitées.
"Si tu tends l'oreille" nous plonge dans la vie de Shizuku, une collégienne de 14 ans rêveuse, imaginative et passionnée par les livres. Comme toutes les collégiennes, elle se contente de prendre chaque jour à la fois sans savoir que faire de sa vie future. Un jour, elle remarque que un certain Seiji emprunte tous les livre qu'elle lit, avant elle. Intriguée, elle cherche alors à savoir qui est ce Seiji, sans se douter un seul instant qu'elle est sur le point de vivre le tournant de sa vie. La réussite du film part ainsi de trois points. Le premier est sa manière, tout en subtilité, de décrire les premiers amours d'adolescents. Quatre jeunes se retrouvent ainsi impliqués dans leurs première histoires de coeur, avec plus ou moins de bonheur. Et même si on se trouve en présence de triangle amoureux, point ici d'éxagération ou d'effets faciles ! Tout est en réalité incroyablement juste et fin. Kondo avait reellement un talent unique pour décrire l'amour naissant sans un seul instant basculer dans la niaiserie, la superficialité ou le cliché. En ressort un film d'amour unique, doux et réconfortant en ce qu'il nous rappelle, avec tendresse, nos propres premiers émois. Le second point remarquable est le chemin mental éxécuté par le couple principal, et surtout la jeune Shizuku. Si c'est l'amour qui la pousse à se découvrir, la jeune adolescente change, là aussi subtilement, sous nos yeux. De rêveuse, insouciante et quelque peu paresseuse, elle devient plus altruiste, plus active de son avenir et surtout, se réalise. Car la grande envie de Shizuku, sans qu'elle ne le sache au début, est bien l'écriture. C'est donc ni plus ni moins que ce moment de la vie où un jeune gens décide de se qu'il désire faire de sa vie, où ses choix influent toute sa vie et où il devient adulte, qui est décrit. La métaphore proposée par Nishi, la pierre qu'il offre à Shizuku, est une trouvaille intéressante et charmante. Cet aspect amène un plus indéniable à l'histoire d'amour ! Enfin, un dernier point concerne le réalisme social et de description. Le réalisateur retranscrit à merveille son contexte moderne -les années 90- en présentant une famille tout aussi moderne, avec des parents aimants, qui travaillent tous les deux, deux soeurs qui ne cessent de se disputer sans pour autant que l'amour qu'ils se portent soit sujet à discussion, un petit appartement dans un immeuble un peu à l'étroit. Tous les autres endroits, collège, rues, sont tout aussi réels, pleins de vie. Mais dans cet aspect, le réalisme des gestes, des expressions des visages, ont incontestablement la palme. Ce sont ces petits gestes, rarement retranscrits dans les films d'animation, qui nous donnent une impression de personnages réels, tout du moins dans leur substance, rarement retrouvée ailleurs. Seiji, jeune garçon poursuivant le rêve de devenir luthier en Italie, les amies de Shizuku, sa famille, et surtout la jeune héroine elle même, tous sont très bien définis et remportent une immédiate adhésion.


Si tu tends l'oreille ne souffre d'aucune critique du point de vue de son scénario. De plus, il profite d'une merveilleuse animation, malheureusement un peu au déça de ce que l'on trouve habituellement au sein du studio. Néanmoins, la qualité de l'ensemble reste très haute et de très bonne facture.
Sa musique, aussi, est agréable. Sans égaler la perfection de Hisaishi, elle nous emporte et ne nous quitte pas après le visionnage. Et c'est sans évoquer la chanson titre, une reprise de "Take Me Home, Country Roads", tour à tour seulement diffusée, puis traduite une première puis une seconde fois en japonais, puis parodiée... avant d'être magnifiée par une version au violon, au milieu de l'oeuvre, créant une scène absolumment magique qui, en plus de cela, rappelle à elle seule le changement qui va s'opérer chez Shizuku... une merveille !


Bref, "Si tu tends l'oreille" n'est peut-être pas le plus connu ni le plus épique des films du studio, mais il n'a réellement rien à envier aux films des deux Maitres. Sa trame simple et efficace, sa sensibilité, sa subtilité, son universalité en font un petit bijou d'animation à déguster à tout age, sans a prioris. Kondo, successeur attitré de Miyazaki et Takahata, décédé quelques années plus tard de manière prématurée, nous laisse réellement un merveilleux héritage.

Presci1508
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le 13 juil. 2016

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Presci1508

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