Troisième long-métrage du couple franco-turc Çagla Zencirci - Guillaume Giovanetti, Sibel est un film sensible et maîtrisé, qui séduit autant par la performance d’une actrice lumineuse que par la finesse et la justesse avec lesquelles il relate l’affirmation d’une jeune femme muette face aux conventions de la société turque.
Sibel donc, est d’abord un film porté par la performance bluffante d’une actrice éblouissante - Damla Sönmez - qui incarne avec une présence rare une protagoniste authentique et indépendante : Sibel, jeune fille muette qui communique grâce à un langage sifflé traditionnel et semble condamnée au rejet et à la marginalité.
Mais Sibel séduit aussi par son évocation juste et subtile de thèmes universels. Évitant les clichés et la morale outrée, le film nous parle de l’affranchissement du joug de la société et du regard des autres, de fidélité et de différence avec une justesse réelle. Et incite à la réflexion sans jamais l’imposer, contournant les plans creux et attendus et jonglant habilement entre le mysticisme du conte, la poésie de la fable et l’âpreté du documentaire.
Et c’est avec cette même justesse que les réalisateurs dressent un portrait sans jugement d’une Turquie rurale pétrie de superstitions qui peine encore à s’engager sur la voie de la modernité, en filmant par exemple les tergiversations d’un père tiraillé entre ses aspirations et les exigences de la tradition.
On soulignera aussi l’alchimie réussie entre les plans qui cernent au plus près les regards et les souffles et ceux qui donnent à voir la sacralité de la nature sauvage et mystique qui sert de décor à cet envoûtant récit d’émancipation au féminin.
Finalement, Sibel est un film lumineux et humain, qui préfère l’authenticité aux archétypes et poncifs agaçants. Un conte puissant et sensible, qui évoque avec subtilité des sujets qu’il a su rendre universels et rappelle à plusieurs égards le "Mustang" de Deniz Gamze Ergüven.