Au-delà de la frontière, il y a l'enfer...

Film présenté au dernier Festival de Cannes, Sicario s'attaque en toile de fond au vaste sujet peu reluisant que se trouve être le monde sans loi mais surtout surtout sans foi des cartels mexicains situés aux abords de la brûlante frontière US.


On retrouve à la barre le réalisateur tendance du moment Denis Villeneuve, dont l'efficacité de ses précédents films comme Prisoners ou Enemy est difficilement contestable. Bien aidé par un maestro de la photographie, Roger Deakins (voilà le pedigree du bonhomme) qui prouve une nouvelle fois à quel point il est difficile de lui trouver un collègue capable de tenir la dragée haute en matière d'ambiances travaillées et racontées par le billet de l'imagerie.
Il faut admettre que, dès le départ, Sicario ne prend pas la peine d'emmener le spectateur tout doucement avec lui. Non, Sicario dépeint dès les premières secondes ce que c'est d'être plongé dans cet univers suffocant, avec une scène d'intro dont la violence ne provient pas des coups de feu mais de la macabre découverte faîte par la suite. C'est par cette occasion que nous découvrons Kate : jeune agent du FBI aux valeurs morales visiblement déjà bien installées recrutée suite à cette opération par un service d'opérations spéciales dont le principal objectif est de neutraliser les "jefes" de l'un des principaux cartels.


On comprend assez vite où Villeneuve veut en venir avec le personnage interprété par Emily Blunt, qui s'avère être ni plus ni moins la transposition du regard des spectateurs sur les événements, tant son implication est inexistante dans les décisions prises pendant la majeure partie du film.
Choix surprenant de la part du réalisateur, sachant que le rôle de Kate peut aisément paraître plus qu'abstrait si l'on se contente de le façon dont est mis en scène ce personnage aux idéaux certes nobles mais parfois à l'esprit un peu trop binaire. Les personnages de Benicio Del Toro (pas permis d'avoir autant la classe) et Josh Brolin (plus décontracte qu'à l'habitude) font donc office de contre-poids cyniques plutôt bienvenus face à la morale sans faille de Kate.


La véritable réussite de Sicario, loin d'être difficile à mettre en lumière tellement cela saute aux yeux, se trouve être tout simplement la mise en scène des moments de tension. L'exemple-clé est la première scène à Juarez, mettant en scène le trajet d'un convoi de forces spéciales américaines jusqu'au tribunal afin de récupérer une cible capitale pour l'avancement des opérations.
Le véritable tour de force de ce passage, ce n'est pas tant la finalité, on se doute bien que quelque chose va mal tourner à un moment où un autre (c'est d'ailleurs même dit) mais c'est justement tout ce qui précède le point de rupture qui est tout simplement parfaitement maîtrisé, rappelant même les rares bons moments de Zero Dark Thirty. C'est précisément cette position d'attente du drame inévitable dans laquelle nous sommes placés qui est gérée avec une vraie maestria de la part de Villeneuve.


Techniquement impeccable avec son alternance de plans aériens/plans serrés orchestrés d'une main de maître, ces quelques minutes de flottement où notre respiration se calerait presque sur celle des protagonistes tant la tension transparaît de l'écran sans jamais faiblir résument à la perfection le leitmotiv du film.


Le film offrira un autre moment dans la même veine que celui-ci par la suite, ce dernier qui illustre au demeurant tout le talent de R.Deakins en matière de plans marquants, exemple avec ces soldats d'élite s'engouffrant tout doucement dans des tunnels dans le désert, baignés par les derniers rayons de lumière d'un couché de soleil touchant à sa fin.


Malgré des dernières minutes un petit peu moins puissantes et un propos qui s'étiole peut être légèrement au fur et à mesure des événements, Sicario est sur beaucoup de points précédemment énoncés vraiment admirable, dont le principal attrait réside en sa capacité à faire ressentir presque viscéralement la tension exposée à l'écran.

Strangeek
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le 8 oct. 2015

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Strangeek

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