Une ambiance au cinéma, c'est souvent ce que l'on retient le plus. Plus que par le biais du scénario c'est souvent le moyen ultime d'un réalisateur de s'exprimer. Que ce soit le délire chez un Tarantino ou la noirceur chez un Fincher, c'est ce qui fait la caractère d'un réalisateur, c'est l'image que les spectateurs en gardent. L'ambiance de Sicario est à l'image du reste de la filmographie de Villeneuve. Tendu, âpre, vertigineux même par moments. Le vertige Villeneuve le donne dans Sicario en immergeant le spectateur au plus près de l'action. De longues scènes de raids et d'extraction où on retient son souffle, où se tient prêt à sursauter, où on jurerait sentir la sueur d'Emily Blunt. La force de Sicario, elle est là, concentrée dans ces scènes impressionnantes, dans lesquelles on s'est rarement sentis aussi immergé. C'est incroyable de maîtrise.


Maitrise du rythme, maîtrise de l'image, mais aussi maîtrise de la direction du casting. Un casting trois étoiles d'ailleurs dans lequel il sera difficile de détecter des erreurs de jeu. Merde ça faisait un moment qu'on avait pas vu un Benicio Del Toro aussi charismatique. Emily Blunt est impériale et confirme qu'elle est une des actrices féminines les plus douée du moment. Josh Brolin est lui aussi très très bon. Et ça m'a fait plaisir aussi de revoir Daniel Kaluuya, lui qui était si excellent dans Black Mirror. Le casting arrive avec réussite à transmettre cette tension permanente que veut faire parvenir jusqu'à nous Villeneuve.


On sent que le réalisateur veut nous faire ressentir le stress et les tensions qu'habitent ses personnages. C'est d'ailleurs le point essentiel du film. Car non le point essentiel ce n'est pas l'histoire. L'histoire Villeneuve ne nous en dit jamais trop. À vrai dire on traverse le film comme le personnage d'Emily Blunt, on s'embarque dans quelque chose qui nous dépasse et on essaye tant bien que mal de coller les morceaux, de comprendre où tout ça va nous mener. D'histoire il n'y a donc pas vraiment. Et ce n'est d'ailleurs pas bien gênant. Le film se vit plus comme une expérience, d'une sorte d'épreuve durant laquelle on souffre avec les personnages, tout en s'émerveillant de la plastique du film de Villeneuve.


Celui-ci ne fait d'ailleurs pas dans l'esbroufe visuelle, il opte pour des plans très classiques parmi lesquels virevoltent parfois d'autres beaucoup plus créatifs et virtuoses, comme par exemple la scène où Josh Brolin et Emily Blunt montrent leurs désaccords en arrière plan, ou encore celle où les soldats disparaissent les uns après les autres dans l'horizon si bien qu'on ne les voie plus du cadre. De la maîtrise que je vous disais, oui de la maîtrise. Pourtant n'est-ce pas cette même maîtrise qui empêche le film de se transcender et de devenir plus qu'un très bon thriller. Parfois on a cette impression que tout est chirurgical qu'aucune émotion à part le stress et la tension de ne vienne jusqu'à nous. J'aurais aimé que le film embrasse enfin cette folie vers laquelle il semble toujours tendre et ce dès le début. Malheureusement rien de tel ne se passera.


Sicario n'est en pas moins un très bon film, ce qui se fait de mieux même en matière de Thriller, et l'un des meilleurs films de l'année.

Insomniac
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le 22 oct. 2015

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