Je dois l’avouer, venant de Denis Villeneuve, je m’attendais à un truc de malade. Et c’est difficile de ne pas s’attendre à un truc de malade après les chefs d’œuvre qu’étaient Incendies et Prisoners. Du coup, je suis entré dans la salle obscure avec une envie que ce film soit meilleur que les précédents : difficile de ne pas être déçu par un Jackie Brown après un Pulp Fiction, n’est-ce pas (Et pourtant ce film déchire !) ? Mais franchement… Je n’ai ni été déçu, ni estomaqué. Je suis ressorti de là quelque peu bredouille. Un peu comme ce goût amer dans la bouche en se réveillant d’une sieste après avoir bouffé plein de chocolat. Quelque chose me dérangeait.


Dans Sicario, on accompagne Kate Macer, agent du FBI, enrôlée dans un groupe d’intervention d’élite - alors qu’elle-même n’est qu’une recrue – qui lutte contre le trafic de drogue dans la zone frontalière entre les Etats-Unis et le Mexique, endroit considéré par beaucoup comme le plus dangereux du monde. Elle remettra en cause le fonctionnement du FBI, les cachoteries de ses collègues, et devra combattre la corruption dans son propre système. On suivra son périple dans cette véritable jungle où la loi n’existe plus. Tuer ou être tué.


Le point fort de ce film, c’est l’ambiance et l’atmosphère. Dès le début on est fixé sur ce qu’on va voir, et ça sera pas facile, on le sait. On subit cette couleur jaune durant la plupart du film, nous donnant limite chaud dans cette salle où j’étais obligé de garder mon manteau. Les scènes d’action (notamment celle sur l’autoroute, aperçue dans le trailer) est extrêmement stressante, même si on est sûr de ce qu’il va se passer. On a même droit à une séquence avec des visions nocturnes (noir et blanc / vert) avec une vue à la première personne très bien maitrisée et très agréable à l’image, contrairement à ce que j’ai pensé en voyant qu’ils enfilaient leurs appareils de visions nocturnes. A la fin du film, l’ambiance est beaucoup plus sombre, plus bleue, et assez inquiétante, en accord parfait avec ce qu’on regarde.


Les acteurs nous offrent une prestation très correcte, avec une Emily Blunt ne faisant que subir tout ce qui se passe autour d’elle et un Benicio Del Toro plus inquiétant que jamais, nous immergeant encore plus dans ce monde. La musique joue un rôle très important dans le film et donne un sentiment de malaise lors des scènes d’actions ou de découverte de cadavres mutilés… Le seul hic que je trouve à cette musique, c’est qu’elle n’a rien d’original : encore ce son strident à la Inception qui explose les oreilles. Sérieux c’est quoi cette mode du POOOOOOIN ? C’est marrant 2 minutes mais dans tous les films, y’a un moment où faut arrêter les mecs.


Mais le problème principal de Sicario c’est le scénario. Comme vous avez pu le lire, il n’a absolument rien d’innovant. Des agents du FBI qui combattent les caïds de la drogue à Ciudad Juarez. Génial. Oh, mais attendez, twist scénaristique, y’a des méchants policiers. Oh mince, encore un twist scénaristique, en fait y’a même des agents du FBI qui sont méchants. Mince, comme qu’elle va faire la madame ? Bref, une histoire qu’on a entendue des millions de fois dans des millions de films. Et c’est vraiment dommage. Dans ma tête, je trouvais ça vraiment bizarre car ce n’est pas dans l’habitude de Villeneuve d’écrire des scénarii banals… Une fois le générique arrivé, tout a fait du sens pour moi : « Written by Taylor Sheridan ». Vous ne le connaissez pas ? Mais si, c’est le mec qui a fait Vile ! … Nan en fait je le connaissais pas non plus. Vile encore moins, et vu le résumé du truc sur internet, ça a l’air un peu moisi. Ah, et c’est le mec qui joue David Hale dans Sons of Anarchy. C’est tout. Pour en revenir à Sicario, le fait que ça ne soit pas Villeneuve qui l’ai écrit est explicatif d’absolument tout cette histoire et du « pourquoi c’est pas aussi bien qu’Incendies bon sang de bon soir ».


Mais j’ai beau cracher sur le fait que le scénario ne soit pas bien original, la façon de le traiter est bien plus intéressante, et cela prouve que notre canadien est loin d’être un produit hollywoodien qui cherche juste à se faire un max de thunes. Parce que le scénario aurait pu plaire à un Michael Bay et aurait rendu beaucoup moins bien. Merci Denis !


Je dois aussi avouer que quelques répliques sont mémorables, et assez symboliques de ce qu’il se passe à Juarez. Ce qui est intéressant, c’est qu’on peut étendre ces symboles plus loin que les guerres gangs-police du nord du Mexique et donc que le film porte un message moral plus universel et qui pousse beaucoup plus à la réflexion. Malheureusement, les répliques ne sont pas aussi percutantes que celles d’Incendies et Prisoners…


Malgré son scénario un peu limite, Sicario est manié et présenté avec une grande maitrise et beaucoup de talent de mise en scène. Si vous le retirez de la filmographie de Denis Villeneuve, il vaut clairement la peine d’être vu, et préparez-vous à un spectacle saisissant, car la force de Sicario n’est pas son histoire, mais son esthétique et son pouvoir de montrer les choses. En gros, si ce film avait été un livre… Vomissements. Si vous n’avez pas vu Sicario, ni Incendies, ni Prisoners… Alors regardez Sicario en premier et les autres après. Sinon… Peut mieux faire, tabarnak !


Cette critique a été rédigée pour le site www.ScreenAddicts.com

Karma_Kiddo
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Créée

le 18 oct. 2015

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Luca Prencipe

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