Évidemment, la première question qui nous vient à l'esprit en découvrant l'existence de "Sicario La Guerre des Cartels" c'est : Pourquoi ? Pourquoi diable avoir produit une suite au film magistral de Denis Villeneuve qui n'en appelait aucune ? Taylor Sheridan a beau avoir rempilé à l'écriture, Benicio Del Toro et Josh Brolin (mais pas Emily Blunt) repris leurs rôles respectifs, "Sicario" premier du nom se suffisait tellement à lui-même par ses nombreuses qualités qu'a priori, on dû mal à voir comment un deuxième opus pourrait prétendre rivaliser avec l'excellence de son prédécesseur, surtout sans Denis Villeneuve à la barre.


Pourtant, au bout d'à peine quelques minutes, Stefano Sollima tire les premiers coups de semonce d'une violence synonyme de terreur barbare qui nous choppe immédiatement. Pendant près d'une heure, impossible de ne pas être scotché par "Sicario La Guerre des Cartels", le film tisse une toile d'intrigues passionnantes où le gouvernement américain part en croisade belliqueuse contre la fourmilière des cartels mexicains en élargissant le champ des lois anti-terroristes. La frontière américano-mexicaine devient ainsi une poudrière à ciel ouvert où des explosions de sang menacent à tout moment de se répandre dans les paysages désertiques. Les manipulations du barbouze Josh Brolin et de son agent versatile Benicio Del Toro (bénéficiant tous deux d'une aura presque iconique en lumière du premier film) afin de créer des conflits inter-cartels impressionnent par leur froideur inhumaine simplement pour arriver à leurs fins et menacent sans cesse de prendre une forme de grenade dégoupillée prête à leur sauter à la figure. S'il ne l'égale pas sur la durée, le réalisateur de "Suburra" parvient toutefois à renouer avec l'intensité contagieuse de son prédécesseur, on reste toujours sur le qui-vive, à guetter tout comme le personnages le moindre gravillon qui pourrait enrayer les rouages de leur plan. L'idée de reprendre l'imagerie des convois indissociable du premier opus n'était peut-être pas la plus heureuse sur le papier - dur de rivaliser en même temps- mais Stefano Sollima contourne le problème en usant d'autres approches où la tension est bel et bien là, permanente, viscérale pour mieux éclater dans des pics de violence impressionnants et "Sicario 2" nous en enveloppe de bien brillante manière pour ne plus nous lâcher...


...du moins, pendant la première heure, car, en son centre, "Sicario 2" se met dangereusement à piétiner en connaissant un coup de mou d'une ampleur inattendue. Tous les fils scénaristiques savamment mis en place en amont ne vont en fait déboucher que sur une deuxième partie aux allures d'énorme transition vers un éventuel troisième long-métrage. À partir de ce moment, "Sicario 2" va certes s'échiner à construire une thématique de trilogie s'axant sur une revanche logique autour du personnage de Benicio Del Toro mais cela aura pour conséquence inévitable d'en faire une énorme baudruche qui ne va cesser de se dégonfler des ses bonnes idées et de sa construction autour des intérêts d'un seul personnage.
Entre une humanisation grossière, même forcée en comparaison de la subtilité du premier film, et quelques twists cousus de film blanc, "Sicario" peinera désormais en permanence à renouer avec l'intensité de ses premiers instants et, pire que tout, s'achèvera sur une ultime scène en forme de teasing pour un épisode de conclusion, confirmant encore un peu plus ce statut de film en réalité futile et transitoire vers des événements bien plus majeurs.


De la part de Taylor Sheridan à l'écriture, on attendait forcément bien plus qu'une suite en forme de simple étape, lui qui a toujours su donner une identité tellement affirmée à chacun de ses films. Peut-être qu'un troisième "Sicario" nous contredira en dévoilant les plans d'une trilogie à juger avant tout sur ses qualités globales mais, pour l'heure, après la claque de Denis Villeneuve, ce deuxième film pris en tant que tel ne vaut que pour sa magnifique première heure avant de se perdre dans les préparatifs d'une prochaine conclusion.

RedArrow
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le 1 juil. 2018

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