Est-ce que le système Moore est arrivé à sa limite ? Michael a-t’il franchi le point de non-retour ? Á force de provocation, de jouer au donneur de leçons, de dénonciation stériles, de blagues de moins en moins drôles, il finit par ressembler à une pâle copie de lui-même. Le sujet est d’enfer, comme d’habitude. Il les choisit bien. Ça commence comme dans un film d’horreur. Un gars amputé de deux doigts suite à un accident, se voit obligé de choisir. L’assurance maladie ne peut pas lui payer les deux doigts, mais seulement un seul, le majeur ou l’annulaire ? Il choisit de se faire recoudre l’annulaire, le doigt qui porte l’alliance. Romantique, le gars. 12 000 $ le doigt ? Aoutch !!! La santé, c’est une question de moyens aux USA. On s’en doutait, mais le problème se complique sérieusement, quand on se rend compte que le film ne parle (même pas), des gens qui n’ont pas de couverture maladie, mais bien de ceux qui en ont une, dans les meilleures compagnies américaines. Quand on voit comment ils sont traités, ça fait peur. On se dit que finalement, on est bien ici…Á pleurer qu’on paye trop d’impôts…(Je ne travaille pas aux impôts).
Certains américains fuient au canada, d’autres déménagent près de la frontière, au cas où, en s’inventant un ami ou conjoint canadien, la fin justifiant les moyens. La santé c’est de l’ordre du privé, donc l’État ne vous doit rien. USA. On découvre ce couple d’âge mûr, aisé, qui retourne vivre dans un cagibi chez les enfants. Le mari a eut deux crises cardiaque, la femme, un cancer, ils ont du vendre leur maison pour pouvoir payer les frais d’hôpitaux, et ont tout perdus. La collusion entre politiques et assureurs, qui se couvrent l’un l’autre, transforment les lois, et s’enrichissent à coup de millions de dollars. La santé c’est une industrie comme une autre, et c’est le client, donc l’assuré, qui paye, l’assureur, lui, ne paye jamais. C’est le même principe qu’au Casino. Et si jamais ils doivent vous rembourser, ils vont aller jusqu’à embaucher des détectives spécialisés, et des juristes, qui vont enquêter et trouver des vices de formes, pour rompre le contrat, et reprendre l’argent. USA. Bienvenue chez nous.
Donc logiquement, on devrait dire : Génial, le film, super. Oui mais, non.
Pour montrer l’aberration du système américain, Michael va au Canada, et il joue au naïf américain. On est soigné gratuitement ici ? Ah bon ? Puis il va chez les anglais. Ah bon ? Au pays de la reine, on ne paye rien non plus ? Ensuite, la France, et le meilleur est à venir. Il enjolive un peu beaucoup les choses de l’autre côté de l’atlantique. Le médecin qui demande à un gars : « Combien de mois il vous faut, suite à votre cancer, pour reprendre le boulot ? » Le gars demande trois mois d’arrêt, et le médecin les lui accorde sans discuter. Je veux bien. Par contre la baby sitter, qui est envoyé pour soulager madame, et qui se transforme en femme à tout faire, voire en cuisinière, j’ai jamais vu ça !
Et puis, il y a Cuba. Le climax, le summum, sûrement son argument massue. Le film étant avant tout destiné au public américain, je suppose que certains ont dû tomber de leur chaise en voyant cette partie de film. Pour moi, c’est seulement une gigantesque blague, une provocation de plus. Il emmène des pompiers volontaires à Guantanamo, Cuba. Des gens comme vous et moi, qui le 11 septembre se sont portés volontaires pour aider, et qui ont maintenant les poumons encrassés, et le corps endommagé, cassé, puis qui ont étés abandonnés par la municipalité de NY. Ils ne sont pas pompiers professionnels, ne l’étaient pas à l’époque, donc ils ne sont pas couverts ; allez crever ailleurs. This is the american way. Guantanamo, c’est un territoire américain. Et les prisonniers sont bien mieux traités là-bas, que le citoyen américain lambda. Soignés par les meilleurs médecins, et sans frais( ?) Tout ça pour des raisons politiques, je suppose. Passons.
Ils affrètent des canots à moteur, et vont à Guantanamo, comme on va à la plage, gueulent dans un mégaphone, et sont accueillis, comme le serait tout idiot qui se présente devant un terrain militaire sans invitation. Ils fuient, et se rabattent donc sur les autochtones. Cuba a un excellent système de santé, de réputation mondiale, on leur reconnaît au moins ça aux USA. Et Cuba ressemble soudain à un paradis. Heaven. I’m in heaven.
Les gens sont tous souriants, les hôpitaux nickels, tout est beau, on les soigne sans poser de questions. Faut pas déconner, quand même ! On a même droit à l’accolade entre pompiers cubains et américains, car les pompiers c’est une grande famille mondiale, qui transcende la politique. Il y a une Internationale des pompiers, tout le monde le sait…Je comprends le but, mais je n’approuve pas le procédé, trop grossier. Raoul Castro a dû être trop content pour la publicité, et lui remettre une médaille, à Moore. Michael perd l’essentiel. Ce n’est plus un documentaire qu’il fait, même à charge, mais une exposition de son (gros) égo, qui écrase l’écran.
Il finit d’ailleurs par avouer, (sans doute que ça le démangeait trop pour résister), son don de plusieurs milliers de dollars, à un concurrent journaliste qui le dézingue, et l’insulte tout le temps par médias interposés. Pourquoi ce don ? Tout simplement parce que la femme de ce dernier, malade, va mourir, et il n’a plus le temps de harceler son ennemi, ce brave Michael. Et bien, Moore ne le supporte pas. Il est là, pour aider un homme à sauver sa femme, car les soins coutent trop cher, et aussi parce qu’il ne supporte pas qu’on ne parle plus de lui, même en mal. Donc, l’autre, une fois sa femme guérie, à réouvert son site internet, et a recommencé à l’insulter, sans même savoir que c’est grâce à lui qu’il peut toujours cracher sa haine. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Est-ce que Michael Moore se rend compte en avouant ça, que sa compassion, intéressée et hypocrite, mine son discours par le bas ? Je pense qu’il s’en fout, malheureusement pour son film, qui partait d’une bonne idée.
Les témoignages se succèdent, plus larmoyants, plus révoltants, mais aucune réflexion, ou piste ou solution en vue. Dénoncer pour dénoncer. Il redevient un journaliste qui fait du sensationnel. Par contre il insiste bien sur l’échec d’Hilary Clinton, qui s’est attaqué au lobby pharmaceutique, et qui a échouée, et s’est fait même acheter, comme les autres. Michael ne se bat plus, il fait du spectacle. En fait, il ne reste plus que ça, le spectacle.