J'ai beaucoup apprécié ce film malgré le fait que l'anglais à la place du portugais dénature un peu l'ambiance, c'est dommage.
Sur la forme, un jeu super des acteurs japonais (d'ailleurs à mon grand étonnement, un des perso est joué par Shinya Tsukamoto, un réalisateur japonais connu pour ses films un peu barges). Il y a une belle esthétique, des scènes assez marquantes dans ces paysages japonais, entre ambiance marine, brume et forêt. La nature est très présente, et ce n'est pas pour rien quand on sait que le culte shintoïste est prégnante, bien au delà du bouddhisme, dans la spiritualité japonaise. Cela crée des scènes assez mythiques, comme le moment de la crucifixion de chrétiens japonais dans l'océan, sur fond de vagues déchaînées.
J'apprécie le fait que le réalisateur n'ait pas trop joué dans le pathos alors que ça aurait pu être tentant, même si je peux comprendre que certains diront le contraire. Il rend certaines scènes absurdes comme écho aux paradoxes des messages de ce film : paradoxe de pensée ou non-dualité, comme dernière référence à cette conception-clef du bouddhisme zen ?
Contrairement aux ambiances d'autres conflits idéologiques ou religieux, j' ai perçu ici une violence sans haine (cf le personnage de l'inquisiteur).


Sur le fond, il est extrêmement riche, une scène m'a fait particulièrement cogité dès le début (les deux scènes d'échange de chapelet entre le jésuite et le japonais, et dans la seconde le japonais converti lui exprime l'amour de dieu sans savoir ce que signifie la foi (pense-t'il en être digne ?). La foi étant un concept vraiment à part dans la chrétienté, qui ne s'arrête pas à l'idée de "dévotion", c'est un véritable choc des cultures, et la remise en cause de la vérité universelle sur le chemin de croix de ce jésuite.
La fin dont le rythme me rendait perplexe, délivre ses messages dans une logique imparable, qui donne tout le sens à ce titre.
Il y'a énormément de choses à dire sur différents niveaux : sur la différence entre foi et amour de dieu, la question de l'égo et du martyr, comment la culture japonaise interprète le dogme chrétien (leur culture du sacrifice et de l'honneur qui est interprété comme "foi" par les jésuites), l'absurde et la confusion totale, le paradoxe de la vérité ... et c'est loin d'être exhaustif. Malgré le côté agaçant du protagoniste (me rappelant trop "Frodon"), j'ai apprécié cette expérience d'un véritable cheminement personnel tout au long de ce film, comme miroir à la trame de l'histoire, et au vécu du missionnaire.

fennec212
7
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le 18 févr. 2017

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fennec212

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