"Silence", dernier Scorsese, est l'adaptation d'un roman de Shusaku Endo, un catholique japonais. Le silence qui compose le titre du livre et du film fait aussi référence à celui de Dieu face aux atrocités subies par les catholiques sur les terres japonaises au XVIIème siècle. Rappelant plus ses pérégrinations spirituelles ("Kundun", "La Dernière Tentation du Christ") que ses incursions dans l'univers mafieux, la nouvelle livraison de Scorsese prouve encore une fois que le metteur en scène est l'un des plus grands noms du cinéma actuel et passé. Contemplatif, lent et parfois laborieux, certes. Mais à raison. "Silence" est d'une sobriété implacable, l'affrontement idéologique entre deux courants religieux et culturels qui se ressemblent autant qu'ils s'opposent. La première partie du film, calvaire boueux et affamé de deux évangélistes portugais lancés dans ce qu'ils croient être l'acte de bonté suprême, c'est à dire transmettre la Vérité Divine au peuple japonais, nous plonge dans une sorte de survival ascétique où Andrew Garfield et Adam Driver se démènent pour retrouver un prêtre qui aurait apostasié tout en remplissant leurs fonctions de religieux comme des résistants à l'oppresseur. Et puis tout bascule, les rôles changent, s'entrecroisent et finissent par perdre un spectateur qui n'arrive plus à discerner le bon du mauvais, le sauveur du tyran. Réflexion poussée sur l'universalité de la foi et les différences culturelles, "Silence" nous plonge dans un monde où toutes nos croyances sont ébranlées. Ce silence pesant, concrétisé par une sourde tension où la mort est à la fois délivrance et calvaire, marque l'importance d'une foi à dimension personnelle, remise en cause par la volonté de globalisation de cette dernière, quitte à ce que la limite entre colonisation et partage soit plus que ténue. Andrew Garfield, à l'apogée de son talent, se démène comme il peut, tiraillé dans tout les sens et incapable d'entendre cette fameuse voix du Christ qui doit lui dicter le bon choix. L'introspection es d"une puissance folle et la contemplation, filmée par Scorsese, se révèle toute aussi active que les questions existentialistes que se posent le prêtre aux portes du purgatoire. Scorsese nous fout, encore une fois, une belle claque.