Silenced
7.6
Silenced

Film de Hwang Dong-Hyuk (2011)

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Plantons le décor :
Gang In-ho, un séoulien professeur de dessin au passé tumultueux va être envoyé pour travailler dans la cité rurale de Mujin, réputée pour son épais brouillard. Pratiquant le langage des signes, il va occuper une place au sein d'un institut spécialisé dans l'éducation d'enfants sourds-muets...


Peu à peu, notre ami va découvrir l'effroyable face cachée du personnel de l'établissement, qui maltraite et abuse des enfants... A la tête de ces dégénérés se trouve le Principal Lee, fervent catholique vénéré par sa paroisse, toujours flanqué de son jumeau, comme un indéfectible reflet au pire des maux. Jamais très loin d'eux, se trouve Mr. Park, un sadique qui prend un malin plaisir à battre et violer des petits garçons.


Malgré quelques rais de lumière et d'espoir, tout dans ce film est sombre, poisseux, mélancolique, même sinistre.
Au milieu de ce monde affreux, corrompu et désolé où l'omerta règne, Gang In-ho se retrouve tel un super-héros devant le danger, à la différence qu'il est démuni de tout : sans force colossale, sans pouvoir, sans intelligence hors du commun ni charisme et sans alliés puissants... Malgré tout, le jeune professeur va se dresser contre ce scandale, dénonçant les abus de ses collègues pervers ; avec les armes qui se trouvent à sa disposition : procès, association des Droits de l'Homme, presse télévisée...
Même si cela lui attire les foudres des fans du Principal Lee, de la police qui trempe dans l'affaire, ou encore de sa propre mère, Gang In-ho continuera le combat, façon à lui non seulement d'arrêter ces pratiques qui le révoltent, mais aussi de laver son passé, où il fut un mauvais père pour sa propre fille.


En dépit de ses efforts, Gang In-ho ne parviendra pas à venger complètement les victimes, la Justice lâche et corrompue, le système bancal entravant tout bon sens. Le prof gagnera en contre-partie la reconnaissance et l'amour des jeunes enfants sous sa protection.


Les enfants sont d'ailleurs exceptionnels, l'émotion qu'ils arrivent à véhiculer est brute, vraie, sans pathos ni prétention. Que ce soit par leur joli sourire ou par leurs témoignages silencieux teintés de fureur et de détresse, ils sont en tout point crédibles et attachants. C'est pour dire, ils m'ont arraché de copieuses larmes et à plusieurs reprises, ce qui ne m'étais arrivé jusqu'ici que pour deux autres films : Le Labyrinthe de Pan et Room (sans compter les dessins animés).


Entre effroi, empathie, tristesse et haine, Silenced est de ces films qui ne laissent pas de marbre. Même si certaines scènes sont vraiment choquantes, on ne peut que saluer la justesse du réalisateur, qui nous offre un spectacle se fichant de la bienséance, bien déterminé à raconter une histoire, même si celle-ci est horrible.
Aidé par un montage et une photographie plus que corrects, Dong-hyuk Hwang ne passe pas une seule fois à côté de son sujet. Il nous campe des personnages fouillés, à la fois simples et complexes, agrémentés de petites anecdotes propres à chacun ; ce qui rend le métrage passionnant et concevable.


Ne cherchant pas à dénoncer directement ces actes de pédophilie comme une bête campagne de prévention, le réalisateur préfère jouer la carte de l'humain et de la mise en scène. En effet, c'est la crédibilité des sentiments des personnages (appuyée par l'image) qui va nous pousser à nous insurger, à prendre part au débat, à nous investir mentalement dans l'affaire. Ce n'est pas de l'émotion gratuite. Le réalisateur ne nous dit pas : "tiens, maintenant, sois triste" (comme dans The Broken Circle Breakdown par exemple). Non, il raconte une histoire. Ensuite libre au spectateur de déchaîner sa colère, son empathie ou sa tristesse.


Ce qui est fascinant dans le cinéma coréen, c'est la faculté des cinéastes à créer des protagonistes attachants, mais aussi les pires salauds détestables. Silenced n'échappe pas à la règle. Vous aurez envie de prendre certains acteurs dans vos bras et d'arracher les yeux à d'autres.


Dérangeant, poignant, émouvant, révoltant... Silenced manque d'adjectifs pour le définir. Un drame efficace, d'un rare panache, jonglant subtilement avec les joies et les peines du spectateur, mais qui ne s'abaisse pas à jouer les puppetmasters, veillant toujours à la narration et à la sémantique.


Un film précieux donc, d'une puissance incroyable et d'une intelligence subtile dans un monde bête et méchant.

Créée

le 31 oct. 2016

Critique lue 1.5K fois

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10 commentaires

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7
10

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