Deux silhouettes femelles, brouillées par la pluie, s'activent au fond du trou boueux, mêlant leurs mains pâles au pourpre des tripes qui se tortillent en vain, à l'orée des chairs. La sécheresse des gorges et autres voies d'ordinaire mouillées contraste avec l'humidité du cadre : la flotte bouffe la moitié du champ, les lames d'eau froide tombent dru, ruissellent et trempent tout ce qui se trouve à leur portée, trouvant tout de même le courage d'épargner l’incandescente cigarette pincée par deux doigts fins, fins et malades, deux doigts qui ont probablement déjà tout palpé, tout pénétré.
Se débarrassant de ses souvenirs par à-coups, comme si elle vomissait d'antiques cafards incommodants, la fille dégage une fraicheur candide bouillonnante; ses yeux rieurs sont deux tableaux en perpétuel mouvement qui attirent l'attention. La caméra, tout aussi dérangée que les deux femmes, multiplie les angles de prise de vue à l'instar du cerveau de la jeune fille qui se défragmente au gré des secondes qui coulent : à quatre pattes dans la remise, nue sur la bite d'un père momifié ou encore lovée dans un fauteuil moelleux, l'alternance de ces positions excitent l'objectif qui, du coup, va s'immiscer entre les plis des vêtements, derrière les rideaux de mousseline ou entre les chaines métalliques trompeuses d'ennuis. Les robes à froufrou peinent à cacher des poils pubiens qui ne demandent qu'à se frotter à la démesure de leurs jeux, tout devient prétexte à se masturber. Jubilatoire , Singapore Sling l'est à fond, tant les deux actrices accros au sexe et au plaisir laissent entrevoir, sur les traits coquins de leurs visages, les lignes plus sérieuses d'une ironie grivoise qu'elles tentent d'apprivoiser.
Les doigts crispés sur son sein secoué de tremblements, la mère vacille et choit sur le parquet, narguant l'inspecteur endormi. Quant à cette bouche, parcourue de dents régulières et blanches, elle se plait à mâchouiller le langage aussi bien que les chairs, offrant ainsi au spectateur une bouillie de mots - orgasmes ébouriffants, essentiels.

KiidCathedrale
7
Écrit par

Créée

le 25 déc. 2015

Critique lue 519 fois

1 j'aime

KiidCathedrale

Écrit par

Critique lue 519 fois

1

D'autres avis sur Singapore sling

Singapore sling
Fatpooper
7

La femme, la fille et l'intrus

Drôle de film. J'aime beaucoup l'ambiance un peu bizarre et la tension sexuelle qui se dégagent du film. C'est un peu foutraque et répétitif, j'ai commencé à me lasser sur la fin, mais globalement...

le 23 févr. 2018

4 j'aime

Singapore sling
Alexia_Karina
9

Ca vaut vraiment le détour,

Car : c'est une tuerie à 100 000 lieues de tous les canons esthétiques cinématographiques habituels. Ni vainement expérimental et certainement pas creux, ce film est une réussite d'originalité et un...

le 25 juil. 2014

4 j'aime

Singapore sling
freddyK
7

Cocktail Explosif

Singapore sling est à ma connaissance le seul film du réalisateur grec Nikos Nokolaïdis a bénéficier d'une légère réputation et visibilité en France peut être due à sa présentation en séance de...

le 3 avr. 2024

3 j'aime

2

Du même critique

Enfants terribles
KiidCathedrale
8

Remords d'une ombre

Les bras croisés sur son torse nappé de miel, un jeune garçon songe à la mort. Encerclé par des dizaines de mains cramponnées à des stylos, grattant lignes sur lignes avec fureur, il se sent comme un...

le 11 mai 2017

21 j'aime

1

Disco Elysium
KiidCathedrale
9

La solitude du buveur de plomb

Déjà, la ville prenait les tonalités rose-et-bleu du crépuscule - la nuit l'épiait, prête à lui sauter dessus, de toute sa force lunaire. Son pied heurta une bouteille vide, symbole d'une existence...

le 19 nov. 2019

12 j'aime

3

Snowpiercer - Le Transperceneige
KiidCathedrale
1

Train en plastoque

L'arche métallique dévore des kilomètres de rails aussi frénétiquement que les crasseux du dernier wagon leurs protéines gluantes. Sous la dent malicieuse d'un gamin joueur, une balle, évident...

le 4 janv. 2014

10 j'aime

4