J'avais franchement "adoré" le premier Sinister. Entre guillemets car j'étais sorti avec un léger mal de bide, tout retourné par l'ambiance extrêmement glauque très réussie du film, parce qu'il était un vrai thriller en plus de son atmosphère d'épouvante. Malheureusement dans cette suite, absolument tout ce qui avait fait le sel du premier a été changé en gimmicks idiots de film d'horreur lambda uniquement là pour faire bêtement sursauter les foules.


Comme dans le premier, nous avons affaire avec une famille middle class classique aidée par un flic/détective privé. Bon, il y a une sous-intrigue de famille dysfonctionnelle pour cause de violence conjugale (qui a un certain intérêt dont je parlerai plus tard) en plus ici, mais elle n'apporte finalement quasiment rien de plus à part dire que Sinister 2 est aussi un "thriller". Alors qu'il n'en est rien.


La plus grande différence entre les deux films, c'est l'effet des films Super 16 sur le personnage. Dans le premier, les films étaient visionnés par un Ethan Hawke psychotique, fiévreux et complètement dépendant à ces visionnages, le spectateur étant ainsi témoin de sa descente aux enfers, de sa véritable fascination pour les films qui fonctionnait car indirecte, imposée au personnage avant de l'être au spectateur. Dans celui-ci au contraire, le visionnage est littéralement imposé à l'enfant, qui d'abord refuse puis accepte sous la contrainte des fantômes, par ailleurs un ajout intéressant à l'univers du film. Le visionnages des Super 16 devient alors du pur voyeurisme, montrer du glauque pour du glauque, moins efficace en plus à cause de la perte de l'effet de surprise. Le visionnage n'est plus inclus dans une intrigue d'enquête, il est artifice de scénario car forcé.


Quand en plus ce scénario est lui-même débile et trompeur, cela pose vraiment un problème.


Sérieusement, faire croire que les fantômes s'attaque au frère introverti alors que leur vraie cible est le frère violent (et complètement stupide) ?


Cela n'a tout simplement aucun sens et cette énorme facilité scénaristique n'est là que pour produire du twist, surprendre inutilement le spectateur pour ne pas qu'il s'ennuie. La psychologie du personnage en question s'en retrouve sacrifiée sur l'autel de l'efficacité.


On touche du coup ici le vrai problème du film qui est commun à beaucoup trop de film d'horreurs aujourd'hui : vouloir être "efficace" et faire sursauter le spectateur à tout prix, au détriment de la construction d'une ambiance, d'une psychologie réfléchie et puisant dans des maux actuels. Du coup, Sinister 2 enchaîne les jump scares tellement idiots et systématiques que le sursaut quasiment inévitable est souvent suivi d'un petit rire moqueur. Chercher à produire cet effet dans un film semi-parodique ou en tout cas à l'humour assumé, pourquoi pas (c'était même au centre de la blague de l'apparition du titre dans Cabin in the Woods). Mais dans un film aussi supposément glauque que Sinister 2 ?? Incompréhensible paradoxe et parfaite illustration du ratage complet du film.


Enfin, complet, non, soyons honnête le film n'est pas totalement vide et apporte quelques éléments à la "franchise" (sic). Déjà, en terme d'explications, le film de Ciaran Foy ne se débrouille pas trop mal, fournissant un début de contexte au mythe du Boogieman à l'aide d'enregistrements radio assez inquiétants. Rien de transcendant, mais au moins sur ce point le film est plutôt raccord avec l'ambiance qu'aurait dû avoir cette suite. L'autre élément, c'est ce qui saute aux yeux lors du film que fait l'enfant de sa propre famille. Cette famille, bien qu'existant par contrainte et dont 3 membres sur 4 vivent dans la peur, apparaît comme "normale", bienheureuse. Or, c'est exactement ce qui apparaît au début de tous les films Super 16 avant que la famille ne se fasse massacrée. Du coup, cela pose la question de la véracité d'une telle représentation, de ce qui se cache derrière l'image. D'une critique de la société moyenne/aisée aussi, en quelques sortes, même si le film ne va pas très loin dans les pistes interprétatives.


Cela pourrait donc être une piste à creuser si d'autres opus voient le jour, encore faudrait-il qu'ils ne se bornent pas à faire bêtement sursauter leurs spectateurs et qu'ils soient réellement réfléchis. Car bon dieu, sur leur base même, les Sinister ont du potentiel.


(sinon, si vous vous demandiez d'où venait ce titre pour le moins étrange : https://www.youtube.com/watch?v=r-GOGhWYN7o)

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le 26 août 2015

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Antofisherb

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