J'ai aimé ce James vieillissant, maladroit, postmoderne mais jusqu'au-boutiste et ferme. Résultat archétypal d'un certain seuil de réussite au sein d'une société capitaliste jouissante.
(En tout cas meilleurs candidat au rôle qu'un Bruce Wayne tronqué.)

J'ai aimé ce James qui teste son environnement à la manière d'un personnage de jeu vidéo et se cogne aux limites du système imposé.
Un peu comme un Natan Drake qui me chuchoterai des petites remarques sur sa condition de personnage fictif.
Ou alors comme quand un perso de jeux vidéo se "parle à lui même" afin de donner des indices au joueur. Du genre :
"Hum fermé... Il me faut une clé pour ouvrir cette porte.".
Une sorte d'introspection fictive en somme.

Un rapport aux jeux vidéo également avec une mise en scène que j'ai trouvé très ouverte, qui prends même parfois son temps, et qui donne au spectateur (habitué à jouer) l'envie de choisir SON angle de caméra et SA manière de faire. (Sans la frustration qu'accompagne souvent cette impossibilité, notamment du à l'efficacité des plans)

J'ai aussi aimé ce James clairement dépassé par les nouvelles technologies projetant sur le monde une nouvelle forme de menace auquel notre héros n'a, semble t-il, pas eu le temps de se préparer.

Ce rapport aux technologies n'est pas neuf dans la franchise, mais le temps jouait plutôt contre les méchants, avec des machines un peu loufoque aux processus d’amorçages encombrant et rotors, permettant à James d'en tirer avantage, voir d'avoir tout le temps de batifoler.

Or là, ce n'est pas le cas. L'immédiateté des nouvelles technologies et leur efficacités ne fait plus aucun doute. C'est virtuellement que l'enjeu se situe, dématérialisé et décontextualisé géographiquement (d'où les ruines et ces paysages parfois extravagant ...).
Dans une dimension latente que James, désœuvré, regarde avec distance, imperturbable.

Un parti pris intelligent que de ne pas avoir joué la carte de la surenchère technologique.

Le spectacle des scènes d'actions n'en est que plus jouissif car obstiné, déplacé et absurde.
Comme si James, suivant et répétant un modèle étant le sien par le passé, se retrouvait violemment bousculé, par un environnement contemporain plus hostile ne répondant désormais plus au code du genre.
Cette obstination à créer de l’extravagance spectaculaire contre la vraisemblance invisible des flux informatiques montre à quel point James bond est dépassé, Déplacement qui permet une certaine dimension tragique jusque là timide, voir absente des épisodes passés.

Eh oui ! Face à cette métamorphose, notre héros n'a dans sa valise que ses bonnes vielles méthodes, devenu désormais obsolète : sa tchatche (son charisme) et son corps.
Combat fantaisiste perdu d'avance !
Mais qui fait naitre malgré tout un fatalisme romantique, à travers cette dualité un peu cliché de l'homme impuissant et déboussolé face à la vitesse croissante du monde.
Probablement rehaussé par le traumatisme de la crise financière.


La photo et les plans sont donc, au même titre qu'un Nolan, à l’image d'un monde fantasmé, avec des lignes et une composition tranchante, très aseptisé et agressive, pour affirmer le contraste générationnelle et mettre en valeur ce monde, fiction devenu caricaturale.


Ainsi, le film, tel une carte postale, nous trimbale avec lui, vacillant de décors en décors, se raccrochant à la mémoire éparpillé des vieux films (délaissant le kitch érotique pour un glamour Rolex épuisé). Et pour nous conduire où ?
Finalement pas très loin : dans le récit du passé de James Bond...

Comme si il fallait justifier, ou donner sens à JAMES BOND. Comme si il fallait donner à cette homme un passé pour qu'il gagne en relief. Quelle farce...
Comme si nous avions besoin de cette pantalonnade scénaristique pour nous sentir plus proche de cette homme condamné qui regarde d'un œil désabusé ce monde moins tangible que jamais.
Nuinuit
6
Écrit par

Créée

le 11 nov. 2012

Critique lue 342 fois

1 j'aime

Elie Belhadjar

Écrit par

Critique lue 342 fois

1

D'autres avis sur Skyfall

Skyfall
Jackal
8

-Everybody needs a hobby. -So what's yours? -Resurrection.

James Bond, qu'on croyait mort suite à une bavure, doit affronter Raoul Silva, un ancien agent psychotique du MI6 qui a juré de se venger d'une trahison de M en lançant des attaques informatiques de...

le 26 oct. 2012

125 j'aime

21

Skyfall
Chaiev
6

A l'usure

Il ne nous manquait plus que ça : voilà que ce bon vieux Bond se met à faire dans le post-moderne : à lui les délices de la mise en abyme et de la métafiction ! Ce n'est d'ailleurs surement pas un...

le 29 oct. 2012

98 j'aime

20

Skyfall
guyness
8

Les archives James Bond, dossier 23: Je l'M à mourir

Quotient James Bondien: 7,33 (décomposé comme suit:) BO: 6/10 La bande originale de Thomas Newman n'est pas désagréable, elle accompagne plutôt efficacement plusieurs des scènes les plus importantes...

le 22 mai 2022

76 j'aime

23

Du même critique

Remember Me
Nuinuit
5

Critique de Remember Me par Elie Belhadjar

Tout pour me plaire : Un jeu FRANÇAIS qui se déroule en FRANCE (Par rapport à d'autres jeux Français rongé par un impérialisme culturel américain) De l'anticipation dans un contexte techno sociétal...

le 8 juin 2013

13 j'aime

5

L'Île nue
Nuinuit
10

Critique de L'Île nue par Elie Belhadjar

Ce film a été pour moi une claque esthétique. A ce jour, je ne pense pas avoir vue de film emprunt d'une poésie si envoutante. Les 30 premières minutes font pour moi partie des meilleurs moments...

le 26 sept. 2011

11 j'aime

Kwaïdan
Nuinuit
5

Critique de Kwaïdan par Elie Belhadjar

Une exubérance/extravagance dans les décors (un peu comme ceux, très figé, du théâtre) avec des couleurs incroyables. Ils y manquent cependant un peu de substance, de naturel. C'est parfois presque...

le 30 sept. 2011

10 j'aime