Viens faire un bisou à Tonton Silva

Suite à un récent visionnage de Skyfall en DVD, je peux enfin m’atteler à une petite critique en bonne et due forme. Je l’avais vu au cinéma lors de sa sortie en en ayant gardé un bon souvenir et celui-ci se confirme.

Après un excellent Casino Royal et un ennuyeux Quantum of Solace (je me souviens juste qu’ils se retrouvent en plein milieu de nulle part et que tout fini par péter, mais quid du pourquoi du comment…), le nouvel opus du plus célèbre espion de Sa Majesté était attendu au tournant. A dire vrai, sans être mon James Bond préféré, Skyfall se promène tout de même dans le peloton de tête.
Déjà, le scénario gagne ici en profondeur avec cette trame de fond relative à la vétusté du MI-6 (tant d’un point de vue technique qu’humain). Il n’est plus seulement question de lutter contre un grand méchant qui met le boxon sur la planète, il y est surtout question de faire peau neuve. Q et Moneypenny ont rajeuni, M est sur la pente savonneuse de la retraite anticipée et Bond a de l’arthrose. Et, en même temps, le film parvient tout de même à souligner qu’à vouloir courir trop vite, on finit par se prendre les pieds dans le tapis (cf. Q lui-même, pris dans le propre piège de sa jeunesse vaniteuse).

Ensuite, il y a le méchant qui, au-delà de ses goûts capillaires douteux, n’a pas l’intention de déclencher une troisième guerre mondiale (Demain ne meurt jamais) ou de plonger l’Angleterre dans la Préhistoire économique (Goldeneye). Non. Son but est assez simple bien que la manière employée pour y arriver soit assez tortueuse. Monsieur est tout bonnement rancunier et n’a qu’une envie, rendre la monnaie de sa pièce à une seule personne. Et cette personne, ce n’est même pas Bond (ce dernier étant plutôt une sorte de passerelle qui lui permettrait d’atteindre sa cible). Je vous laisse le plaisir de découvrir celle-ci. Un objectif purement personnel en somme, qui n’éclabousse – presque – pas le monde qui l’entoure (à quelques agents et une rame de métro près).

Un méchant à l’opposé de Bond : souriant, bondissant, tiré à quatre épingles, maniéré au possible (il jetterait presque ses grenades en levant le petit doigt) et moche. Et pour le dernier point, je ne parle pas des effets du cyanure d’hydrogène. Javier Bardem est, à mes yeux, moche. Là où dans les précédents opus, les méchants avaient toujours su posséder une certaine classe (Alec Trevelyan, Carver, Le Chiffre, pour ne citer qu’eux), Skyfall décroche la palme de l’antagoniste le moins sexy de toute la saga (en duel avec celui de L’homme au pistolet d’or dont j’ai oublié le nom). En fait, le seul moment où il devient à peu près potable c’est à la fin, lorsqu’il est couvert de suie, de boue et de transpiration (mais c’est furtif). De fait, l’accroche au personnage est moindre. Dommage.

Dommage parce que Skyfall jouit d’une esthétique particulièrement appréciable, nombre de passages de ce film méritant le coup d’œil. Que ce soit à Shanghai avec ce duel en ombres chinoises sur fond de méduses géantes, dans le casino flottant de Macao cerné par ces lanternes flamboyantes ou sur cette lande qui est la proie des flammes, on en prend plein les mirettes. Skyfall doit être vu ne serait-ce que pour ces scènes. En effet, là où ses prédécesseurs vivaient essentiellement dans l’action, le dernier-né est très contemplatif. Le réalisateur s’est attaché à créer de beaux univers qu’il nous laisse le temps d’admirer et que l’on savoure avec délectation. Cumulés avec les nombreux autres temps morts, ils contribuent à renforcer l’aspect nostalgique de cette œuvre.

A côté de ça, les dialogues sont savoureux (Judi Dench va me manquer), très loin au-dessus des navrants échanges de Demain ne meurt jamais. L’humour est au rendez-vous, la musique est au diapason du film, les acteurs sont tous bons (même le jeune Q qui s’en prend souvent plein la mouille pour pas un rond) et les cameramen n’ont pas de la gelée à la place des doigts. Si je devais élever une objection, ce serait sur le traitement de Moneypenny.

Je ne connais pas les livres mais si Daniel Craig est censé représenter le tout premier James Bond, nous parvenons ici à un gros souci de continuité (que le personnage s’assagisse, soit ; qu’il change de couleur de peau, c’est déjà un autre problème). Ceci étant, le souci se pose aussi pour M, qui est une femme dans Goldeneye et tous les opus qui ont suivi, et qui devient un homme à la fin de Skyfall. Pour Judi Dench, l’explication est purement humaine, l’actrice ne pouvant plus assurer le rôle. Pour Moneypenny, à part pour répondre à des quotas, je ne vois pas quelle raison ont poussé les producteurs/le réalisateur à choisir cette actrice (qui joue très bien au-delà de ça). De plus, vu son comportement en mission, il est assez difficile d’imaginer qu’elle ait finalement préféré assurer la paperasse de M. Bref, un personnage étrangement traité (le jeune Q étant nettement moins choquant selon mon opinion, même s’il ne vaudra jamais le regretté Desmond Llewelyn).

Je termine avec une petite mention particulière pour Bérénice Marlowe, la James Bond Girl la moins utile de la série. A part pour tailler le bout de gras et accorder une douche crapuleuse à notre héros, elle ne sert concrètement pas à grand-chose. Ceci dit, on ne la subit pas longtemps à l’écran, ce qui compense largement son affreux maquillage.

Créée

le 30 sept. 2014

Critique lue 597 fois

NicodemusLily

Écrit par

Critique lue 597 fois

D'autres avis sur Skyfall

Skyfall
Jackal
8

-Everybody needs a hobby. -So what's yours? -Resurrection.

James Bond, qu'on croyait mort suite à une bavure, doit affronter Raoul Silva, un ancien agent psychotique du MI6 qui a juré de se venger d'une trahison de M en lançant des attaques informatiques de...

le 26 oct. 2012

125 j'aime

21

Skyfall
Chaiev
6

A l'usure

Il ne nous manquait plus que ça : voilà que ce bon vieux Bond se met à faire dans le post-moderne : à lui les délices de la mise en abyme et de la métafiction ! Ce n'est d'ailleurs surement pas un...

le 29 oct. 2012

98 j'aime

20

Skyfall
guyness
8

Les archives James Bond, dossier 23: Je l'M à mourir

Quotient James Bondien: 7,33 (décomposé comme suit:) BO: 6/10 La bande originale de Thomas Newman n'est pas désagréable, elle accompagne plutôt efficacement plusieurs des scènes les plus importantes...

le 22 mai 2022

76 j'aime

23

Du même critique

Le Miroir d'ambre
NicodemusLily
4

Mondial moquette chez les parallélépipèdes rectangles

Enfin ! J’ai enfin fini de lire la trilogie de Philip Pullman : A la Croisée des Mondes. Ca n’a pas été de tout repos. En effet, passée la déception du tome 2 qui glissait de manière flagrante vers...

le 14 mars 2015

14 j'aime

9

New York, Unité Spéciale
NicodemusLily
7

Ma deuxième partie de soirée fétiche

New York : Unité Spéciale, c'est une série que j'ai découvert un peu par hasard. Toujours diffusés en deuxième partie de soirée compte tenu des sujets traités, toujours diffusés dans le désordre le...

le 15 avr. 2014

13 j'aime

5

La Reine des Neiges
NicodemusLily
1

Mince, c'est Noël ! Il faut faire un film !

La Reine des Neiges, mon dernier grand traumatisme Disney. J'avais espéré - au vue de la bande-annonce - être à nouveau transportée dans le monde féérique de la souris parlante... mais c'est un...

le 22 mars 2014

11 j'aime

9