Ce n'est pas exactement le prince charmant...
La prostitution estudiantine, sujet de plus en plus d'actualité malheureusement, est un thème qu'il semble important d'aborder et Julia Leigh l'a choisi pour son nouveau film : Sleeping Beauty. Loin d'appréhender le problème de manière efficace, le film ne fait qu'effleurer la surface d'un sujet ô combien épineux à travers un concept d'entreprise glauque. Ainsi, l'argument marketing du film prend une telle ampleur qu'on en oublie le sujet même : les galères d'une jeune femme en quête d'opportunités et de développement de soi qui doit se résoudre à vendre son corps pour parvenir à subvenir à ses besoins les plus primaires.
Le sujet parait de prime abord intriguant : une étudiante accepte de prendre un somnifère afin que des hommes riches puissent profiter de son corps sans qu'elle puisse faire quoique ce soit, en n'ayant conscience d'aucun des fantasmes de ses clients contre une assez importante somme d'argent. Dès lors, on se dit qu'il y a là une ambition et que le résultat peut-être très intéressant. Malheureusement, le film traine en longueur et finalement s'applique à ne faire ressortir que les aspects les plus glauques de la chose sans analyser la psychologie d'un personnage hors du commun. D'ailleurs on peut diviser le film en deux parties : la première, les galères, les innombrables petits boulots, composés de jobs plus laborieux les uns que les autres, la recherche d'une solution, la vague idée d'une mère dépensière et la deuxième, l'entrée dans la "société de services", l'initiation, les termes du contrat et la prostitution.
La première partie reste finalement très intéressante et peut-être même plus que la seconde puisqu'au lieu de simplement enchaîner des scènes choquantes, voire dégoutantes, la réalisatrice montre une Emily Browning, juste dans son malheur, ne surjouant pas et bien loin du mauvais Sucker Punch. Possédant un réel talent, l'actrice se donne à fond dans son personnage si bien qu'on comprend ce qu'elle peut ressentir et vivre avec elle ses déboires. Malheureusement, à partir du moment où elle signe son contrat, si l'on peut dire, tout devient creux : une machine, un robot va et vient, se réveillant avec une enveloppe remplie de billets et oubliant ses rêves de carrière et donc ses chances de s'en sortir.
Il n'y a jamais de pénétration mais c'est tout comme. Des vieillards en mal d'amour ou ayant peut-être une libido assez développée s'amuse avec le corps inerte de la jeune femme, sans qu'elle ne réponde, véritable poupée dans des situations ignobles. La métaphore est grossière, on comprend qu'il y a là quelque chose de mal et montrer des scènes s'éternisant ne résout pas le problème bien au contraire. On a envie d'arrêter, on ne veut plus voir le problème en face et on se cache la triste réalité. Emily Browning devient comme son double endormi : vide de toute substance. Comme la fin du film, s'il l'on peut considérer qu'il y a fin, le thème abordé n'apporte aucune réponse au spectateur venu se confronter à un problème de société et ressorti avec la vague impression d'être une immondice, un voyeur dans des situations tout à fait horrible.
Dispensable donc, Sleeping Beauty prouve une fois de plus que le thème ne fait pas le film, que le choquant n'est pas forcément bon. La déception est grande quand on aurait pu s'attendre à un très bon film, sociologiquement et cinématographiquement et que l'on s'aperçoit du résultat. Seule note agréable, Emily Browning, charmante dans la majeure partie du film, ratant son final sûrement à cause d'une mauvaise direction d'acteurs et même répugnante, du fait de ce voyeurisme malsain.