Dis moi comment tu réagis, je ne te dirai plus qui tu es.

C'était une idée judicieuse de sélectionner à l'époque Snow Therapy dans la section "Un certain regard "au festival de Cannes. Même si le pitch de départ de ce père de famille jugé sur sa réaction face à sa famille lors d'une avalanche est déjà original, il y a d'autres éléments importants. En effet, Ruben Ostlund a d'autres tours dans son sac. En confrontant les membres de sa famille suédoise, les dialogues fusent et il ne faut pas avoir peur de bavardages en longueurs où tout ce petit monde s'exprime pour dégainer sa vérité. Leurs silences au début du film sont aussi éloquents car le réflexe conditionné du père pendant l'avalanche a renversé son aura protectrice et rebattu les cartes. Finalement, la seule question qui se pose est comment rebondir pour passer à autre chose? Ostlund s'ingénue à la fois à rendre cette famille impuissante mais aussi capable d'avoir des ressources pour ne pas complètement la malmener et essayer de passer le cap de son trouble (et quand elle y parviendra avant la fin, un autre événement la plongera dans la perplexité en quittant leur lieu de vacances,mais chut).
L'autre aspect intéressant, c'est la répercussion de l'histoire du couple sur les autres touristes qui ont à faire à leur histoire.Par effet de miroirs, le récit de l'avalanche réinvite les dossiers personnels et les petites culpabilités par exemple chez le couple qui a une légère différence d'âge. Un procédé retors que le réalisateur utilise pour montrer le besoin d'être rassuré,estimé,compris à l'intérieur de sa cellule intime. C'est tellement vrai mais prouve aussi que les discussions sont des moyens de bouleverser un équilibre que ces couples devraient finalement protéger. Dans cette optique "dis moi comment tu réagis, je ne te dirai plus qui tu es", l'harmonie ne peut donc qu'être bouleversée. Ostlund démontrant au passage que nos paroles servent à discréditer,confondre plutôt qu'à rassurer,consoler,comprendre.
Ce qui est remarquable également, c'est la manière de filmer d'Ostlund qui aime se perdre sur des plans dérisoires de chasses-neige, de couloirs de résidence comme pour laisser du souffle à son récit. Quand la tension familiale devient trop grande, le plan fixe est comme un juge de paix qui invite à calmer le jeu, à s'abandonner vers un autre horizon. Une manière très nordique dans la technique quelque part.
La scène du défoulement par le cri (dixit le père de famille dans la neige) m'a aussi fait penser à la manière dont le réalisateur a célébré sa Palme d'or pour the Square en faisant participer le public en grognant. Tout devant sortir au moment opportun pour se sentir en phase,aller mieux et passer à autre chose. Comme si cette suprême récompense reçue à sa juste valeur n'était pas non plus une couronne de lauriers où il fallait commencer à se reposer.
Si vous êtes en recherche d'un cinéma non balisé mais intéressant dans ses intentions, Snow therapy devrait vous satisfaire quitte à vous déstabiliser par moments. Mais c'est un voyage à lui tout seul!

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le 29 mai 2017

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