Cela fait plaisir de voir que des cinéastes engagés continuent à faire du cinéma d'auteur. On l'a accusé de surfer sur la vague des films coll de ride, mais Snowboarder va bien plus loin que cela en composant habilement autour de deux personnages que tout oppose mais qui sont pourtant que les translations temporelles de l'un et de l'autre.
D'inspiration "Schopenhauerienne", Snowboarder s'interroge à la fois sur le rapport au bonheur de l'homme et sur l'aspect éphémère du succès. Un rider n'atteint le sommet qu'en un instant discret, le reste du temps, il ne fait que monter et descendre. La première phase est difficile et laborieuse, la seconde rapide et potentiellement meurtrière.
Ces réflexions prennent leur pleine mesure dans la dialectique qui s'instaure entre nos deux héros.
Gaspard c'est le jeune homme qui veut grandir trop vite et encore plein de rêves et d'innocence. Il veut atteindr ele sommet sans se douter des conséquences. Ainsi, quand il part pour la Suisse et se retrouve sur le toit du Monde, il est innervé de Lumière. Le contre-plongé le place au niveau des étoiles : tout est acquis pour lui, il a son ticket d'entrée. Cependant, la lumière qui l'enrobe est la lumière d'un soleil couchant, quand il descend la montagne c'est à la fois donc un accomplissement mais l'annonce d'un retour à l'errance.
Les personnages de Snowboarder sont en fait comme les deux boules d'un pendule, ils oscillent autour de l'équilibre morose en passnat par des extrêmes de moins en moins grandioses pour finir à la mort.
Au début du film, Josh apparaît comme le prophète à Gaspard, il est placé plus haut que lui, l'obscurité cache les aspérités de son âme, son regard ne diverge pas, ses épaules sont droites. Ainsi se crée un rapport ambigu entre les deux êtres : un rapport pour l'un partagé entre admiration et jalousie refoulée, pour l'autre parternel et nostalgique.
L'ambiguité des concepts de bonheur et de succès s'incarne dans le combat entre Gaspard et Josh. Gaspard en sort apparemment vainqueur mais c'est Josh qui a le sourire aux lèvres... Gaspard s'est hissé dans le ciel menée par l'ancienne comète. Comme la mouche profite du sang du cheval malade, Gaspard sait qu'il a atteint le toît du monde mais sait aussi qu'il n'est finalement que le pâle reflet des desseins d'un astre vieillissant.
Ainsi se pose la question de l'héritage, de la personnalité propre. La société façonne les êtres et votre entourage même inconsciemment vous programme pour accomplir leurs desseins. Vous servez leurs fierté mais récupérez leur blasement.
Dans une scène d'amour, la personnalité de Josh résiste à la beauté fatale présente devant lui. Son regard trahit l'envie de l'enfant de retour à l'époque bénie où son être n'était que possibles et non achèvements. Malheureusement le lion malade ne peut résister quand la nourriture se présente, il s'accroche ainsi à ses plaisirs matériels et épuise sa flamme sans passion.
Cette espèce d'épilepsie de l'être se matérialise dans la scène où Gaspard désabusé ne voit plus rien. L'écran bouge, le choc de l'étoile est trop fort et le renvoie déjà sur terre.
Son saut final est en fait un suicide duquel il repart autre. Il profite de cet extremum qu'il ne retrouvera plus et décide de se place immédiatement au milieu du balancier. Le pendule est mort mais finit dans un morose équilibre.
Mais qui est Ethel dans ce tableau ?
Ethel représente dans le film ce blanc et pur équilibre que nos deux hommes n'ont jamais trouvé. Belle, sérieuse, intelligente, calme, douce, Ethel est un personnage en vérité peu crédible et a été créé à cet effet. C'est un Deus Ex Machina duquel nos deux héros pensent pouvoir puiser le bonheur. Mais comme vous le voyez, la belle n'est finalement que la matérialisation de la conscience interrogative de l'être. Elle est le mirage de l'infini que les hommes pensent atteindre tout en n'offrant rien.
Elle est le miroir de leurs illusions déçues.
Un film bouleversant et uen remarquable interrogation.