Ce qu'on est en droit d'attendre des films d'action dystopiques.

L'idée de base est donc très intéressante : au-delà du message écologique, la prémisse sous-tend la paresse de l'être humain qui préfère une solution radicale risquée à des mesures préventives contraignantes mais efficaces. Ensuite, se met en place l'évidente allégorie sociétale à travers le microcosme du train : la lutte des classes se dessine et les frontières entre le bien et le mal sont si habilement brouillées que l'issue de l'histoire demeure entièrement mystérieuse, avant de trouver une conclusion très adaptée. On ne regrettera, sans trop en dire, que cet éternel consensus sur l'innocence infantile, qui y replace malheureusement un manichéisme jusque là savamment évité. Mis à part ce faux-pas, sont produites de fascinantes réflexions sur la garance de l'ordre établi, le sens du sacrifice, la justification du crime, l'injustice au nom de la collectivité. Si toutes ces questions philosophiques proviennent probablement de la bande-dessinée en elle-même, elles sont richement conservées, et même mises en exergue, par la narration du film.


Cette dernière se fait d'ailleurs trépidante : la stratification de l'histoire par chaque passage de wagon procure un rythme haletant et un suspense prégnant qui rendent l'action captivante. La réalisation lui rendra cependant peu justice : si elle est convenable, elle manque d'efficacité, d'audace et de clarté, notamment dans les scènes de combat. Entre quelques effets spéciaux un peu décevants et de nombreuses révélations inattendues et mises en place (la plupart du temps) avec soin, d'autres moments trouvent le temps de mettre en place un univers particulier au milieu de splendides décors. Là, évoluent des personnages secondaires parfois trop effacés : Luke Pasqualino trouve ici un rôle inattendu mais (heureusement?) quasi-muet, tandis qu'Octavia Spencer fait ce qu'elle fait le mieux. En face se placent des protagonistes plus impressionnants : Chris Evans interprète plutôt bien un rôle principal qui frôle parfois le stéréotype avant de s'en éloigner avec brio. Et surtout, l'immense et merveilleuse Tilda Swinton rend son personnage aussi comique que perturbant.

Au total, l'acclamation par la critique de "Snowpiercer" est compréhensible : le film offre de la science-fiction à la fois divertissante, riche, intelligente et trépidante. Il s'éloigne suffisamment des conventions du genre tout en conservant ce qu'il s'y trouve de meilleur. Et il s'attache surtout à ne pas reproduire les erreurs d'autres adaptations du type : il n'en extrait pas seulement un univers visuel et une action condensée, mais prend au contraire le temps d'y instiller le noyau moral et idéologique. Cela fait de l’œuvre ce qu'on est en droit d'attendre, ni plus, ni moins, des films d'action dystopiques au cinéma.
Assurément
8
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le 7 nov. 2013

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Assurément

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