Le cinéma sud-coréen est très à la mode dans nos contrées depuis quelques années,et Bong Joon-ho fait partie des "petits génies" de la spécialité.Son film souffre donc des tares habituelles du ciné coréen,navigant entre hystérie,naïveté et chutes de rythme ahurissantes.Le script est tiré d'une BD française de Jean-Marc Rochette et Jacques Lob,ces auteurs ayant certainement eux-mêmes subi de multiples influences,cette histoire se situant au confluent de "Soleil vert" et des films de "véhicules fous" style "Runaway train" et "Unstoppable",déjà des trains,ou encore "Speed" pour la version autobus.Mais au fond,bizarrement,ça ressemble surtout dans la forme à du Park Chan-wook,qui,hasard ou coïncidence,fait partie des producteurs du film.Tout le monde se souvient de "Old boy",le célèbre "chef-d'oeuvre" de Park,et surtout de la fameuse scène,la plus débile du film,de "l'attaque dans le couloir".Eh bien,"Snowpiercer",c'est exactement ça,un remake de cette scène,en l'étirant sur plus de deux heures,ce qui est quand même un peu long.Ceci dit,le plus important là-dedans,c'est le discours.Il parait compliqué,parfois ambigu,mais finalement on reste sur du gaucho-tiers-mondisme basique.Voici donc un immense train transportant les derniers survivants de l'humanité.La Terre,frappée par la glaciation,est devenue invivable et le véhicule avance sans jamais s'arrêter.A l'arrière vivent les miséreux,parqués dans des conditions terribles.Plus on progresse dans les wagons,plus le niveau de vie s'améliore,jusqu'au wagon de tête,occupé par le concepteur de la machine,qui dirige le tout d'une poigne de fer.Bon,tout ça,même si on tient compte du fait qu'il s'agit de SF,c'est n'importe quoi.Pourquoi le train est-il obligé de rouler tout le temps?Pourquoi le magnat s'encombre-t-il avec les pauvres,dont il pourrait aussi bien décrocher les wagons?Où trouve-t-il de quoi faire tourner sa machine,où trouve-t-il des aliments,des matières premières,tout ce qui permet aux riches de mener joyeuse vie?Mystère et boules de gomme,vu que tout est gelé sur la planète et que de toute manière on ne s'arrête pas.Reste la portée allégorique de l'entreprise.Ce train est un condensé de la société actuelle,menée à sa perte par un capitalisme aveugle et criminel qui,comme les wagons du film,avance obstinément sans rien voir.A l'arrière,il y a donc le sous-prolétariat,les pauvres,les sans-dents,les victimes du système.A l'avant se trouvent les classes supérieures,qui vivent dans le luxe sans se soucier des exclus.Entre ces deux mondes s'interposent des gardes armés,la police évidemment,qui protègent les nababs de la populace.Au sommet de la pyramide trône le grand patron,genre PDG de multinationale,qui mène la danse au nom d'une idéologie capitaliste fascisante.Cette analyse sociétale n'est pas exempte de pertinence,le monde actuel ressemblant assez à ce portrait.On peut même voir dans le personnage du vieux gourou des classes inférieures,qui est en réalité un collabo,le portrait du représentant syndical type.Bien vue aussi la façon dont le potentat déclenche la révolution quand ça l'arrange,afin de réguler la surpopulation,métaphore des guerres provoquées dans le Tiers-Monde par les puissances occidentales.Cependant,si le film dénonce des dérives bien réelles,il n'apporte guère de réponses,du moins sensées.S'appuyant sur des bons sentiments et de la poésie frelatée,il finit par dérailler,dans tous les sens du terme.Alors,la révolution,utile ou pas?La surpopulation existe bel et bien,qu'est-ce qu'on fait?Quant à la conclusion,elle laisse pantois.Voilà qu'il se met à faire meilleur et que deux survivants vont reconstruire l'humanité à eux tous seuls.Ca parait pas gagné dans la mesure où ils se trouvent isolés au milieu de montagnes enneigées,sans compter que l'élément mâle est un enfant et que,s'ils survivent,on voit pas comment mais bon,il va falloir attendre quelques années avant qu'il puisse couvrir sa femelle.Mais c'est pas grave,tout va bien,la preuve un ours blanc traîne dans le coin,ce qui n'est pourtant pas si rassurant.Notons le message à l'adresse des amis de la diversité,ceux qui subsistent étant une asiatique et un noir,représentant l'avenir de la race humaine.Les blancs ne sont clairement pas dans le move et si survie il y a,ce sera sans eux.Autrement,le film est pas mal visuellement,alignant les plans story-boardés sortis de la BD.Gros travail sur les décors et la lumière,beaucoup de violence graphique,bien que l'abus d'obscurité et le montage cut viennent un peu gâcher la fête.