Avec le succès récent de Parasite, le cinéaste Bong Joon-Ho aura définitivement réussi à faire instaurer le cinéma sud-coréen dans la culture populaire. Il est intéressant de constater que début des années 2010, certains des réalisateurs les plus populaires originaires de Corée du Sud auront fait un petit passage par la case Amérique. Nous pourrions, par exemple, citer Park Chan-Wook avec son Stoker ou bien Kim Jee-Woon avec Le Dernier Rempart. C'est finalement le récemment oscarisé Bong Joon-Ho qui aura réussi à offrir le meilleur résultat filmique avec Snowpiercer sorti en 2013.
La licence Snowpiercer est très populaire au moment où j'écris ces lignes. La saga en bande dessinée se porte bien et une série adaptée du long-métrage vient de débuter sur la plateforme Netflix. Le récit de base reste globalement le même dans les grandes lignes à travers ces oeuvres même si les personnages changent. L'humanité vit une nouvelle ère glaciaire et les derniers survivants vivent dans un train faisant continuellement le tour de la Terre. Les wagons sont organisés en classes sociales, à savoir, les pauvres à l'arrière et les riches à l'avant. Je précise qu'aucun spoiler n'est à craindre dans cette critique.


Dans le film de 2013, nous suivrons Curtis, incarné par Chris Evans, qui mènera une révolte en partant du dernier wagon afin de prendre la tête du train. Cela fait 18 ans que la machine arpente le globe sous la direction du mystérieux ingénieur Wilford. Le film se veut assez différent de la bande dessinée et permettra au cinéaste de s'offrir une visibilité internationale. L'adaptation est excellente et Bong Joon-Ho réussit à s'approprier l'oeuvre tout en conservant les thématiques d'origines.
Son long-métrage aura tout d'abord séduit le public lors de sa sortie avant de se faire peu à peu descendre pour son simple concept de base jugé parfois irréaliste. De mon côté, je pense que si l'on n'accepte pas un postulat instauré dès le synopsis d'une oeuvre, nous pouvons jeter une grande partie de ce que le monde de l'art (peu importe le support) aurait à nous offrir.


Ce qui occupe la plus grande place dans l'oeuvre originale, et qui obsède le plus le cinéaste, c'est la thématique de la lutte des classes centrale au récit. Le cinéaste nous parle du train comme un système destiné à s'effondrer et où les classes dirigeantes ne pourront qu'un jour ou l'autre payer pour leur égoïsme. Le véhicule fonctionne certes à l'horizontale, mais il peut parfaitement être comparé à une ville, un écosystème ou un microcosme comme nous en connaissons tous. On y retrouvera les éléments classique de récits relatant la lutte des classes ; comme de la propagande ainsi que des personnages rendus fous par le pouvoir, le consumérisme et la corruption. Les riches vivent dans la luxure, la débauche ayant accès au pouvoir et plaisir absolus là où les pauvres vivent dans la misère entassés les uns sur les autres. Ces derniers sont écrasés par le concept de la domination, ainsi un révolte semble inévitable. Curtis est un personnage complexe et intéressant cherchant à se battre pour une révolution personnelle et collective. Son but est de se confronter à Wilford, à la tête du train, pour prendre possession de la machine. Comme tous récits évoquant la lutte des classes, celui de Snowpiercer ne se fera pas sans violence et sans sacrifices d'ordres humains et psychologiques.


Le visuel, comme toujours chez Bong Joon-Ho, est une réussite indiscutable. Le réalisateur maîtrise totalement son art et multiplie les idées de mise en scène. Les décors bluffants du train changent de façon drastiques à chaque découverte d'un nouveau wagon. Le cinéaste réinvente sa réalisation à chaque nouveau niveau, ce qui offre l'impression de découvrir plusieurs petits films au sein même du long-métrage. Le spectateur est au même niveau de compréhension que Curtis tout du long et découvre avec lui les wagons, entre dégoût et émerveillement. L'inventivité et l'originalité se font fortement présentes et ne peuvent que forcer le public à pénétrer au plus profond des multiples facettes qu'offre l'oeuvre.


Les personnages sont tous intéressants et fascinants à suivre. Chris Evans trouve probablement son meilleur rôle à ce jour aux côtés de John Hurt, qui est l'un des caractères les plus intéressants du film. Tilda Swinton est légendaire et offre probablement l'un des personnages les plus détestables (mais hypnotisant) du cinéma. Je n'en révélerai pas plus sur eux afin de vous conserver la surprise, mais chacun d'eux est attachant à sa manière ou du moins intéressant à suivre. Les morts de certains personnages sont souvent violentes, tristes et décourageantes ce qui mettra parfois le spectateur à l'épreuve et, encore une fois, au même niveau que les protagonistes.


Sans révéler la conclusion de Snowpiercer, citons tout de même le fait que le métrage offre un message plus qu'intrigant et actuel. Aujourd'hui nous critiquons facilement le système ou encore les inégalités plus que présentes. En réalité, la société se construit et se nourrit d'elle-même et des individus qui la composent. Le fait est que nous fonctionnons de telle sorte que tous changements drastiques semblent totalement impossibles tant la sous-classe aura paradoxalement besoin quelque part des classes dominantes pour survivre (et inversement). Le discours dépeint par Bong Joon-Ho est glaçant, mais celui-ci se veut totalement actuel et offre une scène finale que je vous laisserai découvrir.


Parler de Snowpiercer sans en révéler l'intrigue et les scènes clés est chose compliquée. Il est cependant évident pour moi que le cinéaste offre une oeuvre forte. Celle-ci propose une identité visuelle propre et un casting ainsi que des thématiques marquantes. Bong Joon-Ho conçoit un métrage important pour les années 2010 et pour sa propre carrière. Nous avons eu la chance de voir plusieurs grands films de science-fiction débarquer ces dix dernières années et Snowpiercer est l'une des plus belles réussites du genre. Il est facile de cracher sur quelques défauts si l'on voulait pinailler, mais quel intérêt ? D'autant que le métrage reste de toute façon agréable à suivre. Gardons bien en tête à quel point le cinéaste et sa puissance créatrice auront permis de mettre à terme ce fabuleux projet.

Créée

le 28 mai 2020

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