Un Train peut en Cacher... une bonne cinquantaine...
J'avertis immédiatement le lecteur : je vais SPOLIER.
Non, je ne peux décemment pas souscrire - au sortir de la salle - à ce film. A mon grand désarroi, étant initialement lecteur de la ("des" en fait) BD initiale - pas géniale mais appréciable.
Joon Ho n'utilise de l'original grosso modo que l'idée générale - et somme toute ce n'est pas bête, après tout, c'est ce qu'il y avait de mieux à prendre. Si je n'adhère pas au film, ce n'est pas tant par dépit de l'écart à la bd de base - un peu, si, sans doute - qu'à cause de l'aspect décousu du film, et de ses lourdeurs, qui m'ont exaspéré...
Rappelons le plot général : dans un monde glacé, ce qui reste d'humanité file dans un train où se joue une dernière (?) fois la rengaine de la révolte des exploités des wagons de queue contre les nantis, qui décident de remonter le wagon pour pêter la tronche au grand chef dans la loco... Et je ne me moque pas, c'est une simple et belle image d'une humanité qui joue sa comédie, des secondes aux premières classes, cependant que filant sur les rails d'un destin in-maîtrisable.
Dans la succession des wagons, on passe du coq à l'âne, et ma foi, je dirais pourquoi pas. On est par instants dans un tel granguignolesque qu'on frôle des moments à la Brazil - et je gage que ce n'est pas juste une idée à moi. On trouve dans ce film différents passages qui semblent faire référence à des oeuvres ; je dis donc Brazil, m'a-t-il semblé, Apocalypse Now (et j'ai la confirmation déjà par un extrait d'interview), un little moment Star Wars, mais plus pour le fun dirait-on, et je crois que j'en oublie, oui, désolé, ma mémoire même à chaud n'est pas si bonne (ah, tiens si, Matrix). En passant, le choix de John Hurt est peut-être en partie dû à son rôle dans 1984 (?) - en plus il s'appelle, dans le film, Gilliam, comme le réalisateur de Brazil, qui est une adaptation dingue du 1984 d'Orwell (vous suivez ?)
Prenons la scène de l'école, par exemple, totalement caricaturale, et qui, avec le personnage de Swinton (la foldingue à grandes dents), est le genre de choses qui me semble porter vers un Brazil un peu trash. Bon, franchement, je dis : pourquoi pas. Oui, pourquoi pas, transporter de wagons en wagons, qui seraient autant d'univers, portés comme à leur dernière extrémité comme une marque de la folie qui anime au fond tout cela. M'est avis que sur ce coup, ça amoindrit plutôt la portée de ce qui est mis en scène : le lavage de cerveau des mioches, mais bon... On a aussi, l'aquarium, où soudain on nous met dans la perspective d'un truc plus rationnel : la nécessité de gérer la nourriture. Il y a les wagons vite passés, avec des habitants "de la haute" où là, on sent plus la "critique" - comme le dit John Ho qui serait de faire sentir le malaise d'un SDF qui entrerait dans une boutique Gucci. Le wagon "boîte de nuit", avec de l'excès aussi, mais bien loin de l'école, très classique en fait, limite cliché, etc...
Du coup, rien ne semble vraiment tenir le lien - si j'ajoute le wagon de la grande bataille à la hache - en dehors d'une pure démonstration stylistique.
Mais le pire, pour moi, en fait, ce sont ces nombreuses touches qui font tomber le film au plus bas, notamment dans les scènes émotionello-dramatiques à deux balles bourrés de clichés. A qui donner la prime ? A la remémoration des souvenirs d'enfance flous, à la mère de Timmy, tellement courageuse, et qui veut voir une dernière fois l'image de son fils en mourant ? A l'ours blanc ? Certaines scènes - deux je crois, vers la fin - soulignés par un piano pleurnichard ???
Je ne parle de truc genre le méchant, là, qui se relève à la fin, lol, on glisse presque vers Tarantino...
Et non plus de l'échange avec Gilliam qui téléphone la révélation finale en disant, détournant les yeux de gêne : "non, mais personne n'est comme il parait" - limite, il n'avait qu'à dire carrément : ok, les mecs, je suis un traitre, lol...
Et la révélation du mioche dans les engrenages, ohlala, là, c'est vraiment méchant, je sais de quel côté je suis maintenant...
Et la tirade du héros sur le vieux qui se coupe le bras, parallèle avec les petits bras coupés d'Apocalypse Now, une tirade mémorable d'un film mémorable, mais là, ultra-lol, les types qui se coupent eux-même les membres pour servir de bouffe ^^... Ca comme référence au Coppola, non mais faut faire gaffe au ridicule Bong... Par Chris Evan, que Charlie Hebdo qualifie de gastéropode (exagéré sans doute, mais en face de Brando...) - qui n'a jamais glissé sur une lame de rasoir, on parie ?
Bon, je crois que je m'énerve et moi aussi je suis décousu, bin, tiens, voilà, c'est bien fait...
Je crois que Joon Ho a, quoiqu'il dise très sciemment, ou paralysé par la nouvelle dimension commerciale que prenait le film, d'abord fait feu d'artifice et montré qu'il savait tout faire, le bon et le mauvais - ce qui est souvent demandé dans le blockbusterat hollywoodien. Les références que j'ai perçues le sont hélas à des films qui ont su éviter le pire. Et si Snowpiercer avait eu la même audace, de ne pas tomber dans la mièvrerie complète ou dans le cliché ridicule, et d'avoir un vrai parti pris, il aurait pu se hisser très haut. Ceci dit dans l'absolu, je veux dire, il n'aurait peut-être pas eu les financements ^^
Ce film est globalement encensé par les critiques, je suis sidéré... En même temps, Télérama qui adhère, oui messieurs-dame, signale :
"De tous les blockbusters post-apocalyptiques sortis cette année ("After earth", "World War Z", "Elysium"...), "Snowpiercer" est le plus inspiré. "
Ah, oui, évidemment, si on ne compare qu'à ça, on a, là aussi, comme pour Gravity, la réjouissance facile...