Un amalgame assez incohérent d'un jeune cinéaste qui se cherche

Faisant encore ses premiers pas à Hollywood, Brian de Palma plutôt jeune se cherche stylistiquement dans Soeurs de Sang. Parmi la construction baroque tatillonnante, hésitant entre le thriller, le film fantastique, le film d'horreur, la comédie, le drame, … se glissent des références obsessionnelles et presque obséquieuses à Hitchcock qui, conscientes de leur limite et de leur ridicule, dévoient largement vers le pastiche voire la parodie. Le tout forme ainsi un amalgame barriolé assez incohérent, servant surtout de prise d'essai au cinéaste pour ses films à venir.


La dimension psychologique, voire même psychanalitique de Soeurs de Sang constitue à nos yeux la partie plus intéressante sur laquelle il convient de s'arrêter. Danielle Breton (Margot Kidder), amputée de sa sœur siamoise, souffre de bien des maux suite à cette séparation. En elle s'incarnent à la fois des formes de schizophrénie, de troubles de la personnalité, de folie castratrice, de troubles de la mémoire, et bien d'autres encore. D'ailleurs cette folie prolifique sera contagieuse au point que Grace Collier (Jennifer Salt), la journaliste / voisine enquêtant sur le meurtre, en soit contaminée après avoir été hypnotisée. Quant à Emil Breton (W. Finley), l('ex) mari de Danielle, il pâtit de délires paranoïaques qui le conduisent à la suivre continuellement; aussi sa relation avec Danielle n'est pas sans rappeler le complexe d'Electre (l'Oedipe au féminin) voire le mythe de Pygmalion (qui tombe amoureux de la statue qu'il aura créée). Enfin, tous sont plus au moins sadiques / voyeuristes, et le seul qui semble épargné est Joseph Larch (C. Durning) - le seul personnage pur et vertueux n'étant pas moqué par l'ironie de De Palma – qui est déjà noir et n'a donc pas besoin qu'on lui rajoute des handicaps mentaux pour faire partie des discriminés. Néanmoins, il mourra au début du film – triste sort qu'on leur réserve bien souvent – et tout le monde finira dans un asile d'aliénés où chacun rivalisera de plus de talents pour vaincre.


Même si certaines scènes sont plutôt bien travaillées, quelques inventions bien trouvées, l'ensemble reste nettement insuffisant. On peut sans aucun doute parler de nanar donc, dont De Palma n'est certainement pas très fier. Demeurent pour les cinéphiles des pistes pour comprendre la genèse de ses prochains films et l'excellente BO de B. Herrmann qui a longtemps collaboré avec Hitchcock (encore lui!).

Marlon_B
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le 20 janv. 2017

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