Bon, après quelques semaines de vadrouille où ce cher déconfinement ressemble plus à un confinement déguisé, en l'occurrence où les cinémas sont encore fermés, et la question sanitaire semble être un sacré problème (comment vont- ils les réouvrir ?).
Après Andrei Roublev, je me penche sur un nouveau film de Tarkovski : Solaris, le fameux, pas le remake middle de 2002. Et encore une fois, après quelques années à ne pas l'avoir vu, ce dernier garde toujours une puissance intacte et intemporelle exceptionnelle.
On dit souvent que Solaris est la réponse soviétique de Tarkovski au Kubrick de 2001, mais je n'ai pas vraiment l'impression. Solaris semble être beaucoup plus en phase avec de la science- fiction onirique et métaphysique, et n'a finalement peu de conflits avec les machines. Solaris nous installe dans une grande épopée sensorielle, sonore et visuelle sublime : la musique de Bach est parfaitement aligné à la mise en scène toujours pointilleuse de Tarkovski, qui comme d'habitude prend son temps.
Comme tout bon Tarkovski, la technique est du grand art. Que cela soit le montage énigmatique, le montage son très bien éxécuté, la photographie marquante à souhait, la mise en scène grandiose, et les alternances entre couleurs rajoutent un charme 70's très bien rendu, même dans les grands moments de calme et de méditation la mise en scène fourmille de détails et d'une richesse assez incroyable. La composition des cadres est une merveille, mais bon lorsqu'on connaît le bonhomme, on sait que ce sera sans doute une peinture plus qu'un film.
Le film repose évidemment beaucoup sur son scénario aux choix moraux cruciaux, assez ingénieux, et son atmosphère indescriptible, l'essence même du cinéma russe exigeant et révolu : à la fois dur, tragi- comique, mélancolique, et mystique à tous instants. La beauté plastique n'est égalé que par son propos métaphysique sur l'homme à lui- même, essayant à tout prix de se débattre avec son passé, ses remords, et ses erreurs.
Bref, Solaris est un pur chef d'oeuvre, et à l'époque élève clairement Tarkovski au rang des plus grands cinéastes au monde. Il faut bien sûr le regarder en étant préparé, car un film de Tarkovski se mérite, mais une fois plongé dedans, on n'en ressort pas indemne.