« And death shall have no dominion... »

Une interrogation s’impose : à quoi bon produire un remake d’un tel chef d’œuvre ? Je n’ai pas de réponse, laissons la question de côté, pour laisser à Steven Soderbergh une chance de nous séduire.


D’emblée, la musique de Cliff Martinez se fait envoutante, soulignant une science-fiction minimaliste : un vaisseau, des batteries d’ordinateurs, de silencieuses portes coulissantes. Si nous parvenions à faire abstraction des effets bleutés de Solaris, nous pourrions être dans un hôpital ou une centrale électrique. Rappelons le pitch du roman de Stanislas Lem : après un ultime et déconcertant appel à l’aide, une station spatiale scientifique cesse de communiquer. Un psychologue est envoyé à la rescousse. Il découvre que la planète Solaris génère des « visiteurs » tirés des souvenirs traumatiques des astronautes, un enfant, un frère ou, pour lui, son épouse décédée...


Première et anecdotique remarque, George Clooney (Chris) est trop beau, sa musculeuse plastique avantageusement dénudée suscite ma jalousie.


Plus sérieusement, si le film américain gagne en concision (90 minutes), les personnages perdent en subtilité. Les amis de Chris sont tous agnostiques. La médecin Gordon affirme la nocivité des visiteurs et exige de les détruire. Snow a basculé dans la folie. Rheya (Natascha McElhone) est dépressive, suicidaire et fille d’une mère « cliniquement folle. » Soderbergh charge outrageusement la barque.


Les visiteurs gagnent en autonomie et survivent à la disparition de leur matrice. La Rheya russe était dépendante de Chris et se sacrifiait pour préserver la liberté de son amant. Son homologue soderbeghienne a tôt fait de découvrir son origine : « Je ne suis pas celle dont je me souviens. ». Elle se sait différente, autonome, mais condamnée. La réplique est vouée à revivre le suicide de l’originale.


Le mystique Tarkovski dissertait sur les liens entre l’Humanité, la Nature et le Créateur. Plus prosaïque, Soderbegh nous conte une morbide histoire d’amour. Je sais que tu m’aimais. Je ne suis pas Rheya. Je t’aime, mais je meurs. Il réduit la fascinante Solaris à la seule fonction de créer un clone de l’être aimé afin d’offrir une seconde chance à l’amant séparé. Chris succombe à la tentation du retour en arrière, le fol espoir de vaincre la mort et de rejoindre Rheya dans ce qui pourrait être une folie contagieuse.

Step de Boisse

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9

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