Teinté des divergences artistiques avec Lord & Miller et du fignolage en urgence du plus formaté Ron Howard, le tout auréolé de retours pas très rassurants, Solo ne partait pas du bon pied. D'autant plus que s'attaquer à une figure aussi mythique que Han Solo, c'est deux chances sur trois de se prendre les foudres des fans. L'attente frisait le dédain, mais le résultat s'avère loin d'être catastrophique.


Lawrence Kasdan, déjà derrière Le Réveil de la Force mais surtout L'Empire Contre-Attaque, signe ici un scénario plutôt séduisant, assumant l'épopée au carrefour du western et du film de braquage. Prendre un sentier pour en ignorer tous les autres, ce choix cristallise bien sûr moultes déceptions sur les origines fantasmées du célèbre Han Solo : la source de son nom, ses premières armes à peine effleurées avec Lando Calrissian, ou encore le teasing fantôme d'un univers étendu... Ce n'est pas l'origin story de Han Solo que les fans pouvaient fantasmer, mais le film fait quelques efforts louables pour l'atteindre.


Car Solo parvient à livrer un certain souffle une fois passées les désillusions. D'une part, on y retrouve plastiquement un vrai Star Wars à l'ancienne, avec un certain soucis du réel du palpable dans la direction artistique. On se réjouira d'une galerie de créatures glorifiées par les maquillages et animatroniques, tendant même parfois leurs griffes vers du bizarroïde lovecraftien. Et dans son caractère aventureux prononcé, le film offre surtout quelques moments de bravoure d'une efficacité folle, notamment le casse du train Vandorien qui se révèle comme une parfaite démonstration de la science pour faire serrer les fesses du spectateur.


Un autre moment de bravoure comme l'évasion des mines de Kessel, invoquant sans sourciller Le Temple Maudit, révèle aussi l'autre caractère particulier pour coller avec son temps : la lutte des minorités, et celle des femmes. Pourquoi pas, d'autant plus que la question nourrit l'essence de certaines scènes d'action et autres ressorts émotionnels. Malheureusement cela concerne aussi quelques blagues rarement dosées correctement. Qu'importe, c'est une petite étincelle de rébellion qui ravive un récit en somme très classique, entre romance, sacrifices et trahisons.


Bien sûr, le principal point d'interrogation était le successeur de Harrison Ford dans la peau du jeune Han, et la réponse est plutôt convaincante. Alden Ehrenreich dégageait déjà un petit quelque chose dans Hail Caesar des frères Coen, tel un James Dean ou un Marlon Brando. Dans la peau du jeune mercenaire, Ehrenreich enfile le costume à sa façon tout en retrouvant subtilement cette désinvolture, ce petit sourire en coin. Mais la principale racine du personnage qu'il ne fallait pas rater, c'est sa rencontre avec Chewbacca, qui livre une magnifique scène aussi drôle que brutale. La complicité est marquée, d'autant que le compère de feulements et de poils nous fait plaisir de quelques sursauts jouissifs au cours de l'aventure.


Dans la forme, Solo se révèle par contre plus regrettable, malgré l'efficacité du rythme et quelques ingrédients. Film bâtard oblige, on sent d'abord Ron Howard en pilote automatique derrière la caméra, souvent perdu dans la composition de ses plans, si ce n'est une légère caméra portée dans les dialogues et des mouvements plus amples en steady-cam quand l'action débarque, minimum syndical sans transcendances. Mais la plus grosses incohérence, c'est la photographie de Bradford Young : le choix des lumières et des couleurs est littéralement étouffant, une volonté de ténèbres numériques, de brume omniprésente et de couleurs délavées qui parvient à anesthésier complètement l'existence essentielle du décorum.


Ne soignant pas les maux de la forme, l'efficacité évidente de Solo peine également à guérir ceux du récit. Le gros regret dans la bonne tenue générale du film, c'est le plongeon du troisième acte qui patine à installer un climax quelconque, préférant s'appuyer sur une révélation qui nourrit le caractère rebelle du film, un twist qu'on reniflait à des kilomètres, et un caméo certes surprenant mais qui invoque en un éclair tout un arc narratif qui nous est inaccessible. Frustrant, d'autant plus que l'enjeu réel de certains personnages se voit complètement noyé par le teasing.


Solo n'est pas un Star Wars parfait, chiche en surprises, déséquilibré et particulièrement laid, mais il parvient à éventer la peur de la bipolarité qui lui pendait au nez en livrant un pur film d'aventures au rythme soutenu et à l'efficacité générale de bonne tenue. Le souffle est assez soutenu pour légèrement éventer les icônes imposantes du passé et faire fonctionner le film en lui-même, classique mais installant cette petite touche contemporaine de rébellion qui en fait une guerre étoilée d'aujourd'hui.


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le 28 mai 2018

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