ATTENTION, SPOILERS ALERT : si vous ne voulez pas gâcher le suspense (…), passez à la critique suivante ! À ceux qui restent, bonne lecture.


Autant le dire tout de suite, je suis un grand fan de la saga Star Wars. Pourtant, je n’ai jamais été un aficionado du personnage de Han Solo, le gentil vaurien. Je l’aime bien, il est sympatoche, parfois attachant, souvent marrant, mais pour ma part, ça se limite à ça.
Né en 1991, j’ai grandi avec la Prélogie et la Trilogie, et je me suis nourri de leurs défauts et qualités respectifs. Toujours est-il que j’ai de l’affection pour ces six films, à des degrés divers. Ils sont pour moi une madeleine de Proust cinématographique. Pour autant, je reste lucide : si Star Wars est une grande saga qui, à de nombreux niveaux, a révolutionné l’industrie et l’art du cinéma, ça n’en reste pas moins des films de divertissement. Je crois qu’il est fondamental de s’en souvenir en pénétrant dans une salle obscure pour voir un Star Wars : Disney n’a pas la prétention de faire de grands films, et ça se sent.
Toutefois, un film peut être bon, même s’il n’est pas voué à devenir un classique. Or, c’est là où le bât blesse : je ne suis même pas sûr que Disney cherche à faire de bons films, et cette impression est renforcée par mon visionnage de Solo.


Que dire de ce Solo : A Star Wars Story, sinon que c’est un bilan mitigé ? Mitigé avec un avantage pour le côté négatif, pour être honnête… Comme je l’ai dit, je n’aime pas particulièrement Han, mais j’entretenais malgré tout l’espoir de voir un bon film. Dommage…


Commençons par l’histoire.
Han, jeune vaurien des bas-fonds de Corellia, rêve de s’envoler vers les étoiles et de laisser derrière lui sa planète natale. Accompagné par son amie (et plus si affinités) Qi’ra, il essaie d’arnaquer Lady Proxima, reine de la pègre locale, en lui volant du coaxium, un hypercarburant qui coûte une blinde. Malheureusement pour lui, cela tourne mal et il est contraint à s’enfuir en laissant Qi’ra derrière lui, mais en se promettant de revenir la chercher. Il s’enrôle donc dans les rangs de l’Empire afin de devenir « le meilleur pilote de la galaxie ». Après quelques années de service, il fait la rencontre de Tobias Beckett, un gentil truand avec qui il va s’allier pour gagner un tas de pépettes, s’acheter un joli vaisseau flambant neuf et retourner chercher sa belle. D’aventures en aventures, Han va faire la connaissance de Chewie, Lando, découvrir le Faucon Millenium, faire son fameux raid de Kessel, et patati et patata…


On a donc un pitch sans grande originalité qui, disons-le tout de suite, ne surprend à aucun moment. On s’étonnera peut-être de la réapparition fugace d’un personnage iconique de la Prélogie : Dark Maul. Cependant, les habitués de l’Univers Étendu savent que La Menace Fantôme ne représentait que le début des aventures du célèbre zabrak apprenti de Dark Sidious. Pour ma part, je suis mitigé au sujet de ce retour : j’ai apprécié la réapparition de Maul dans l’Univers Étendu, mais je ne suis pas sûr de l’apprécier dans les films de Disney. En effet, sa brève apparition (toujours sous les traits de Ray Park) suggère qu’il est le grand maestro de l’Aube Écarlate et qu’il sera un antagoniste important des deux prochains films estampillés Solo (parce que oui, le film a beau faire un certain bide au niveau critique, Disney envisage déjà une trilogie « Solo », vu qu’Ehrenreich aurait signé pour trois opus…). Or, même si j’adore Dark Maul, je ne suis pas sûr de vouloir le voir en antagoniste majeur d’une histoire qui m’ennuie avant même d’avoir commencé…
D’autre part, je ne vois pas bien l’intérêt de refaire un syndicat du crime (l’Aube Écarlate) en tous points comparables au Soleil Noir, mais d’en changer uniquement le nom… être créatif, c’est très bien, mais si c’est pour repomper l’Univers Legends, autant le faire à fond, non ? Bref, c’est un petit détail, mais qui m’a un peu agacé…
J’ai également été gêné par la temporalité de ce film : Han accomplit en quelques jours tout ce qui fait sa personnalité quand il débarque dans Un Nouvel Espoir, plusieurs années plus tard. En d’autres termes, on a l’impression qu’il s’est tapé une grosse semaine de taf à rencontrer tous ses futurs potes, réussir son raid de Kessel en douze parsecs et devenir le propriétaire du Faucon, et qu’il a passé les années suivantes à glander sur un canapé en grattouillant Chewie derrière les oreilles.
Enfin, les enjeux de l’histoire sont faiblards. Mais est-ce vraiment la faute au film ? Les autres Star Wars nous ont habitués à des histoires plus ou moins grandioses, mais dont l’enjeu était toujours de taille : sauver la galaxie. L’enjeu de Solo (sauver sa copine tout en arrosant son Livret A au passage) semble donc dérisoire. Vous l’aurez compris, faute d’enjeu satisfaisant (ou au moins d’enjeu original), j’ai eu beaucoup de mal à rentrer dans l’histoire.


Autre point noir à mon sens : l’écriture des personnages reste très superficielle, aussi bien pour les personnages principaux que pour les personnages secondaires.
Ce film n’apporte rien d’intéressant à la personnalité de Han Solo ; je le trouve même contreproductif. Je m’explique : au début de la Trilogie, on rencontre un vaurien qui va finalement se révéler être un brave type. Solo nous présente le même personnage de vaurien, mais on voit dès le début que c’est un bon gars. Dès lors, l’évolution de Han dans la Trilogie ne sert plus à rien. Ou alors j’ai loupé un truc… ?
Lando, quant à lui, est plutôt cool en jeune dandy intergalactique qui aime bien tricher au sabaak, mais le personnage reste finalement assez en retrait. Certains déplorent la polémique de sa « relation » avec son droïde : personnellement, je trouve l’idée intéressante, mais traitée de façon tout à fait ridicule…
Le (ou plutôt la) droïde est d’ailleurs parfaitement insupportable en militante des droits pour l’égalité entre les robots et les êtres vivants : là aussi, l’idée aurait pu être sympathique si ça c’était limité à quelques répliques par ci par là. Malheureusement, tous les dialogues de ce personnage sont orientés vers ce combat idéologique, ce qui le rend vraiment pénible… C’est un comble pour un personnage qui était censé être drôle, mais qui ne m’a pas tiré l’ombre d’un sourire. Encore que, ça commence à devenir récurrent (coucou, Finn !)…
Qi’ra est… bof. C’est le stéréotype du personnage féminin ambivalent qui est (ou semble) partagé entre son amour pour le héros et ses ambitions personnelles. Le concept même du personnage me laisse sceptique : inventer une copine au jeune Han Solo, pourquoi pas, mais en faire un enjeu majeur de l’histoire, je trouve que ça un peu bête. On sait déjà qu’ils ne finiront pas ensemble puisque, quelque part dans la galaxie, une gentille princesse aux cheveux en macarons attend de rencontrer son gentil vaurien.
Tobias Beckett est un personnage plutôt pas mal. Il est intéressant en ce qu’il est une sorte de modèle pour le personnage principal, une représentation de ce qu’il pourrait devenir. Malheureusement, il est cousu de fils blancs et on devine très vite que le film va l’amener à trahir Han pour un paquet d’oseille. L’idée aurait été passable si elle n’avait pas été amenée par un fusil de Tchekhov gros comme le Faucon Millenium et vu des milliers de fois au cinéma : en gros, Tobias dit à Han « ne te fie à personne, gamin » ; à la fin du film, au moment de la trahison, on a la fameuse réplique « je t’avais pourtant dit de te fier à personne »… Dommage.
Le personnage de Paul Bettany, dont j’ai déjà zappé le nom (je sors tout juste du ciné, c’est dire…) est parfaitement oubliable en petit gangster de luxe. Ici aussi, c’est dommage. Bettany est un acteur que j’aime beaucoup, et ça m’a vraiment embêté de le voir cabotiner de façon excessive pour avoir l’air d’un méchant digne de ce nom…
Je réalise que je n’ai pas encore parlé de Chewbacca… Mais bon, c’est un personnage qui a toujours été secondaire et qui, semble-t-il, le restera. La rencontre avec Han est gentillette, mais sans plus. On regrettera le manque d’alchimie entre les deux personnages, surtout quand on sait qu’ils sont censés devenir les meilleurs potes de l’univers. Je dois toutefois avouer que j’ai eu un petit pincement au cœur lors de la scène où, pour la première fois, ils pilotent le Faucon ensemble et échangent un regard de connivence suffisamment bref pour ne pas être lourdingue.
Enfin, j’ai bien aimé le personnage d’Enfys Nest, bien qu’il soit très secondaire, ce qui en fait donc un personnage sans grande profondeur, un personnage fonction. Cependant, j’ai trouvé l’actrice qui l’incarne très charismatique et le design du costume (à mi-chemin entre le tribal et le futuriste) assez cool, sans pour autant être révolutionnaire.


Je viens de parler des personnages, mais les personnages ne sont rien au cinéma sans les acteurs qui les incarnent. Parlons donc du casting !
Alden Ehrenreich, qui récupère le rôle de Han, a fait l’objet de nombreuses critiques : il ne ressemble pas à Han, il n’a pas le charisme de Ford, il joue mal… Encore une fois, je ne suis pas un fan inconditionnel du personnage de Han Solo, ni même de Harrison Ford, ce qui motive sans doute mon avis sur la question : je trouve qu’Ehrenreich s’en tire plutôt pas mal. Alors certes, il n’a pas le charisme de Ford, mais personnellement, ça m’a suffi. N’oublions pas que l’histoire est censée se passer plusieurs années avant Un Nouvel Espoir : à ce moment, Han est encore un gamin qui n’a pas l’assurance qu’il aura quelques années plus tard. Normal que son charisme en pâtisse, non ? Pour ce qui est de la ressemblance, je trouve Ehrenreich plutôt bien casté. Et pour ce qui est du jeu, certes il ne brille pas, mais il est loin d’être mauvais. Je pense que le gars a fait ce qu’il a pu avec ce qu’il avait, à savoir un mauvais scénario et des producteurs qui ne voulaient pas prendre le risque de lui laisser apporter une vraie touche personnelle au personnage. En bref, Han Solo est bof, mais pour moi, ce n’est pas la faute d’Ehrenreich.
Donald Glover, pour sa part, s’approprie plutôt bien le rôle de Lando. C’est sans doute l’un des meilleurs acteurs de ce film ; dommage là aussi que son personnage manque de profondeur. Cela dit, c’était dur de faire mieux quand on voit que Lando se limite à quelques tricheries aux cartes, une amitié douteuse avec un droïde et un nom sur la carte grise du Faucon.
Emilia Clarke est… ben c’est Emilia Clarke, quoi. Elle n’est jamais franchement mauvaise, mais elle n’est jamais bonne non plus. À aucun moment je n’ai réussi à oublier que je voyais Emilia Clarke, ou encore Daenaerys Targaryen, et ça c’est problématique… C’est une actrice qui n’a pas vraiment de talent, mais qui fait de son mieux.
Woody Harrelson est plutôt cool en vieux pirate de l’espace. C’est un rôle plutôt classique, une interprétation plutôt classique, mais ça reste raisonnable. Là aussi, le problème tient davantage de l’écriture du personnage que de son interprétation.


Pour ce qui est de la réalisation et de la mise en scène, le film oscille entre le passable et le pas terrible. Malheureusement, les scènes n’étant pas signées, il sera difficile de savoir qui a commis quoi, de Ron Howard ou de ses regrettés prédécesseurs. La scène d’action sur le train est pas mal, mais c’est la seule qui tire un peu son épingle du jeu. Les autres scènes sont assez classiques, voire brouillonnes (je pense notamment à la scène du raid de Kessel : j’ai trouvé le passage dans le maelström particulièrement illisible, mais il s’agit peut-être d’une volonté du réal…). On reste sur un style assez réaliste, avec un aspect caméra à l’épaule un peu comparable à Rogue One, et des décors cradingues visant à illustrer la pauvreté des cloaques fréquentés par Han : ces décors sont plutôt sympas, mais sans aucune originalité. Les planètes s’enchaînent sans marquer le spectateur. J’ai relevé un gros problème au niveau des couleurs : l’ensemble est très gris, trop gris, trop sombre, ce qui rend souvent l’image très sale et illisible. Cela dit, cela vient peut-être du matériel de la salle où j’ai vu le film…


Les musiques sont moyennes, assez peu marquantes elles aussi. Je ne m’y attarderai pas pour la simple et bonne raison qu’après quatre films Star Wars estampillés Disney, je n’ai pas retenu une seule musique mémorable, si ce n’est le thème de Rey entendu dans l’épisode 7.


Pour récapituler, je dirais que Solo est un film moyen, avec beaucoup d’éléments négatifs et quelques points positifs qui sont malgré tout loin d’être des fulgurances. Encore une fois, mon opinion sur ce film tient possiblement de mon manque d’affection de base pour le personnage principal.


C’est un ressenti personnel, pas une critique objective (aucune critique ne l’est vraiment). Je serai néanmoins heureux d’en discuter avec qui voudra !
Que la Force soit avec vous !

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le 28 mai 2018

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